Reconstruire la gauche européenne par la Syrie
Reconstruire la gauche européenne
par la Syrie.
"Chaque fois que j'envisage de quitter le pouvoir
Ma conscience me l'interdit...
Qui, après moi, gouvernera ces braves gens ?
(...)
Qui les châtiera de quatre-vingt-dix coups de fouet ?
Qui les crucifiera sur les arbres ?
Qui leur imposera, sinon, de vivre comme les vaches ?
De mourir comme les vaches ?
Chaque fois que j'envisage de les quitter
Mes larmes se déploient comme un nuage !
Je m'en remets alors à Dieu...
Et je décide d'enfourcher le peuple
Jusqu'au jour du Jugement dernier."
(Nizar Qabbani (1923-1998), poète syrien, cité en conclusion de l'éditorial de Benjamin Barthe).
Le remarquable supplément du "Monde" daté 14 & 15-3-21 consacré aux "Dix ans de guerre en Syrie" se conclut par un entretien avec Yassin Al-Haj Saleh.
Toujours aussi aigu dans l'analyse, celui-ci exprime en peu de mots l'enjeu que représente la non-prise en compte de l'expérience syrienne pour la gauche européenne.
"Quand M. Macron stipule que l'ennemi de la France est Daech et que Bachar est l'ennemi des Syriens, il dit que son problème c'est le terrorisme visant les Français, et que le génocide visant les Syriens ne concerne qu'eux. J'insiste sur l'opposition entre entre terrorisme et génocide, parce que la vision du monde change selon que priorité est donnée à l'un ou à l'autre. La sécularisation de la politique et le soutien à des "États voyous" sont la solution au terrorisme, tandis que la démocratie, l'égalité et la justice sociale sont la solution aux génocides.
C'est en gardant à l'esprit cette dialectique entre terrorisme et génocide que le destin de la Syrie peut, un jour, révolutionner la pensée politique en réconciliant éthique et politique. D'après Santiago Alba Rico, grand intellectuel espagnol, c'est la définition même de la pensée de gauche."
Je le formulerais autrement : cette réconciliation de la politique avec l'éthique passe par le Droit et par le soin accordé aux personnes, dans le respect de leur dignité et de leur intégrité.
Aujourd'hui un double combat se joue : dans l'urgence, améliorer le sort de tous les réfugiés et déplacés les plus pauvres, enfermés dans des camps aux frontières de la Syrie ou à l'intérieur même du pays. A plus ou moins long terme : le jugement de tous les crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis dans ce conflit, essentiellement par le régime comme le rappelle l'infographie du "Monde" ci-joint.
Ce double combat est porté par des Syriens exilés avec une poignée de bénévoles et militants européens. Nous devons commencer par le soutenir. Ainsi pourra renaître une gauche européenne digne de ce nom. Et nous pourrons démentir le constat de Yassin Al-Haj Saleh : "Nous sommes là sans que cela fasse sens pour la plupart des Européens. Pour l'Europe, la présence syrienne n'a encore rien exprimé. J'espère ne pas être trop syriano-centré en y voyant le symptôme d'une crise. L'Europe semble avoir perdu sa curiosité."
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