Girl, film de Lukas Dhont

Publié le par Henri LOURDOU

Girl

film de Lukas Dhont (Belgique, 2018)

sur la transition de genre

 

https://www.arte.tv/fr/videos/090542-000-A/girl/

Disponible du 03/02/2021 au 09/02/2021

Prochaine diffusion le jeudi 11 février à 01:10

 

Un film dur, mais fort et juste. Qui ne cède ni au voyeurisme, ni à la pudibonderie déplacées. Et qui, on l'espère, permettra à toutes les personnes qui ne s'enferment pas dans leurs préjugés de comprendre que la transition de genre n'est ni un caprice, ni une mode, mais un processus souvent douloureux dans la perspective d'une authentique libération.

Ce n'est qu'en 2018 que la Classification Internationale des Maladies et problèmes de santé (CIM), dans sa 11e révision depuis 1948 qu'elle existe, a ôté la "dysphorie de genre" du chapitre des Désordres mentaux et troubles du comportement ...pour la mettre dans un nouveau chapitre consacré à la santé sexuelle.

Il y a toujours eu des personnes qui ne se reconnaissaient pas dans le sexe qui leur était assigné à la naissance ("dysphorie de genre" : La dysphorie de genre est un terme médical utilisé dans le manuel de l'Association américaine de psychiatrie (APA) pour décrire la détresse de la personne transgenre face à un sentiment d'inadéquation entre son sexe assigné et son identité de genre. Au fur et à mesure des révisions de ce manuel, les expressions transsexualisme, incongruence de genre puis dysphorie de genre ont été successivement utilisées. Depuis 2013, l'APA insiste sur le fait que « la non-conformité de genre elle-même n'est pas un trouble mental. Ce qui caractérise la dysphorie de genre est la présence d'une souffrance clinique significative associée à la non-conformité de genre. »https://fr.wikipedia.org/wiki/Dysphorie_de_genre )

Il convient de préciser, pour les adeptes, encore très nombreux, d'une stricte définition biologique du genre, que les attributs physiques de celui-ci sont très inégalement répartis par la nature, en plus d'être culturellement très variés.

Et c'est ce qui produit la situation des personnes que les Grecs anciens avaient baptisées "hermaphrodites", et que nous appelons aujourd'hui Intersexuées (ce qui correspond au "I" de LGBTQI). Celles-ci sont encore trop souvent réassignées au genre choisi par leurs parents, ou par un médecin, par des opérations chirurgicales qui sont souvent douloureuses et destructrices, en plus d'être éventuellement en contradiction avec le genre ressenti.

 

La chirurgie peut également intervenir, il en est question dans ce film, pour les personnes transgenres. Mais c'est ici à leur demande, et cela change tout.

Car si médecins et psychologues peuvent accompagner, comme on le voit ici, en Belgique, une transition, ils n'ont pas à édicter des normes ni des diktats aux personnes qui transitionnent.

La bienveillance de l'entourage est bien sûr très importante.

On voit ici un père qui élève seul ses deux enfants. Lara, l'aînée, a bientôt 16 ans, née garçon elle veut devenir une fille, Milo, le cadet a 6 ans. Le père veut soutenir Lara dans son double projet de transition et de devenir danseuse de ballet. On voit tout de suite en elle une magnifique jeune fille, pleine de grâce et de ferme engagement dans ses projets. La famille vient de changer de ville pour lui permettre d'intégrer une école de danse très réputée. Grâce à ses efforts, elle y parvient.

Et c'est ici que, selon moi, on atteint les limites de ce film, par ailleurs admirable de justesse, comme je l'ai déjà dit.

Car en choisissant ce milieu très dur et très normatif du monde de la danse classique, Lara a choisi la difficulté maximum. De plus, malgré l'évidente bonne volonté de son père, dans la maladresse duquel tout père de trans peut se reconnaître, Lara ne parvient pas à se faire comprendre et s'enferme dans un vécu solitaire douloureux.

Par contraste, il faut au contraire souligner que le fait de s'appuyer sur des personnes vivant la même réalité transitionnelle peut être un puissant réconfortant.

Il faut ici inviter les "républicains individualistes sourcilleux" toujours prêts à crier au "communautarisme", quand ils ne se joignent pas au choeur réactionnaire des dénonciateurs du prétendu "lobby LGBT", à sortir de leurs préjugés.

L'appui sur une communauté de pairs est toujours le réflexe de survie des victimes de l'oppression quelle qu'elle soit : migrants, minorités racialisées, minorités sexuelles... A ce titre, il doit être soutenu et valorisé, non dénoncé et stigmatisé.

Malgré cette aide, changer aujourd'hui de genre reste, même dans nos pays soi-disant libéraux, un parcours du combattant. Aussi, il importe d'être solidaires avec ceux-celles qui y sont confronté-e-s.

 

Puisse ce film motiver en ce sens un maximum de bonnes volontés !

 

PS : Je maintiens mon point de vue, même après avoir lu le commentaire critique suivant :

Si le film a été encensé par la critique (y compris par une partie de la presse LGBT), ce ne fut pas le cas de tout le monde. En effet, certaines associations et plusieurs commentateurs défendant la cause trans n'ont pas apprécié la représentation donnée par le réalisateur de cette identité sexuelle. Il faut dire que certaines scènes comprenant des automutilations et des plans sur les parties génitales des personnages ont pu amener un certain public à croire à une tendance voyeuriste. Par ailleurs, le choix de l'acteur Victor Polster dans le rôle principal fut critiqué. En effet, pour le rôle de Lara, 500 personnes entre 14 et 17 ans furent auditionnées, aussi bien des filles que des garçons ou bien des personnes transgenres. Au final, ce fut l'acteur masculin qui se montra le plus convaincant, sa formation de danseur jouant pour lui.

 

Le problème est que Girl fut accusé de ne pas donner sa chance aux acteurs transgenres. Donner le rôle à un acteur non-genré aurait été plus judicieux, selon les détracteurs du film. On peut ici noter que le film a subi la même critique que le film Danish Girl sorti trois ans plus tôt, et qui voyait Eddie Redmayne incarner un personnage trans.

https://www.cineserie.com/tv-vod/programme-tv/girl-sur-arte-pourquoi-le-film-a-fait-polemique-4036610/

 

Publié dans voix libertaires

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