Barrages-réservoirs et écolo-bashing
Barrages-réservoirs et "écolo-bashing" :
passer du déni à l'action pour un avenir soutenable.
Les tribunaux administratifs confirment l'illégalité des projets du lobby de l'irrigation en matière de prélèvement d'eau autorisé (TA de Pau 3-2-21, décision concernant le bassin de l'Adour
https://fne65.fr/irrigation-en-adour-la-justice-censure-les-autorisations-de-prelevements/
ou de construction de barrage (Cour d'Appel administrative de Bordeaux 23-2-21 : voir article "Le Monde" daté 25-2, p 9).
Un éditorial du président de la Coordination rurale ("le syndicat 100% paysan") de Haute-Vienne particulièrement virulent contre les écolos sème le trouble (https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/ton-voeux-du-syndicat-agricole-coordination-rurale-87-fait-reagir-1912154.html
Ce syndicat a conquis en février 2019 trois Chambres d'Agriculture : celles de la Haute-Vienne, de la Vienne et du Lot-et-Garonne.
Par ailleurs, la définition d'un projet de territoire partagé autour du projet de barrage de Sivens dans le Tarn fait toujours face aux mêmes oppositions. En voici le dernier "état des lieux" donné par le Collectif de Sauvegarde de la zone humide du Testet :
"Lors de notre assemblée générale du 30 janvier 2021, nous avons défini nos orientations
Concernant la zone humide du Testet et les zones humides en général
La préserver dans son intégralité pour les qualités qui lui ont été reconnues lors de l’enquête publique de 2012, à savoir : «.. nous ne connaissons pas de boisement marécageux d’aulnes et de saules de ce type dans un état correct de conservation et sur une surface aussi importante d’un seul tenant. La zone humide de Sivens fait certainement partie des zones humides majeures du département du point de vue de la biodiversité.
En effet :
Il serait inadmissible de se servir de l’état de dégradation (dégradations et défrichements illégaux de la zone causant la perte des boisements marécageux d’aulnes et de saules et la perte d’habitats pour la biodiversité) pour justifier un nouvel ouvrage sur cette zone.
Il n’y a aucun intérêt général majeur pouvant justifier la destruction même partielle de cette zone qui retrouvera sa richesse si on lui en laisse le temps. Les besoins en eau ne concernent qu’un faible nombre d’agriculteurs sur toute la vallée et il existe des solutions alternatives pour les satisfaire.
Cette orientation est en cohérence avec l’orientation du projet de territoire de préserver l’environnement.
Reprendre le suivi effectif de la partie restaurée et étendre ce suivi à l’ensemble de la zone humide.
Coopérer avec FNE MP, NEO et tous nos partenaires actuels et futurs pour mieux faire connaître et valoriser la zone humide du Testet.
Faire reconnaître sa valeur environnementale.
Faire reconnaître et accepter le caractère mémoriel du site suite à la mort de Rémi Fraisse en 2014.
Remettre en état d’autres zone humides dégradées et non s’en servir pour compenser des destructions de zones humides.
Réinscrire l’ensemble de la zone humide du Testet sur le pôle zone humide du Tarn.
Concernant les orientations agricoles que nous défendons
Poursuivre et intensifier, avec l’ensemble de nos partenaires, la communication sur notre scénario « agroécologie et ressources en eau ». La communication se fera auprès des médias classiques mais aussi des médias alternatifs. On construira un plan de communication étalé dans le temps traitant de sujets courts en relation avec les sujets énoncés en préambule du scénario.
La mise en œuvre d’un accompagnement à la transition agroécologique pour le territoire, en faveur de la biodiversité, basée sur les solutions fondées sur la nature avec des couverts végétaux pour des sols vivants ayant de bonnes capacités de rétention en eau. Encourager l’adaptation des cultures à leur environnement et la diversification des cultures dont des légumineuses pour l’alimentation humaine et animale (à contrario du maïs qui est une plante tropicale très demandeuse en eau et inadaptée au climat local), ce qui implique des rotations longues. Ainsi s'amorcera une spirale positive, une réduction voire la suppression des pesticides, permettant des productions de qualité.
Développer les circuits alimentaires de proximité pour des productions de qualité (réduction voire suppression des intrants) pour les circuits alimentaires de proximité, assurer l'approvisionnement des restaurations collectives en produits locaux et de qualité etc...
Concernant les volumes d’eau le long du Tescou :
Nous considérons comme largement suffisant, les volumes évalués dans notre scénario « agriculture et ressources en eau », basés sur les études réalisées dans le cadre du projet de territoire, à savoir : 200.000 m3 pour l’irrigation et 125.000 m3 pour le milieu entre la sortie de SIvens et La confluence de Tescounet.
S’il y a volonté d’aboutir à un protocole gagnant / gagnant, nous sommes prêts à consentir à un volume supplémentaire justifié, sous conditions :
Du respect de la démarche de l’instruction gouvernementale sur les PTGE.
De l’absence d’ouvrage sur le site de l’ancien projet de barrage de Sivens.
Les besoins de prélèvements pour l’irrigation évalués, dans l’étude de la DDT 81, à 473.000 m3 doivent être satisfaits par un panel de solutions : agroécologie, économies d’eau par les pratiques agricoles et la performance des systèmes d’irrigation, l’optimisation (désenvasement et/ou agrandissement) et la mutualisation des retenues existantes.
Les ouvrages devant satisfaire le solde des besoins sont répartis, a minima, sur 2 tronçons : un au niveau de la sortie de Sivens et un autre au niveau Montgaillard – Labejau.
Orientations des années précédentes poursuivies :
La justice et la solidarité pour faire la lumière sur les responsabilités suite à la mort de Rémi FRAISSE tué par une grenade offensive en 2014.
La poursuite d’une dynamique départementale au sein de l’Union Protection Nature Environnement du Tarn (UPNET, membre de FNE MP) dont le Collectif est membre.
La convergence des luttes avec les autres mouvements opposés à des projets inutiles et imposés (GPII) et avec ceux défendant les terres agricoles et, plus globalement, une transition agricole et alimentaire.
Faire une campagne d’adhésion et de réadhésion au collectif Testet.
En effet, la Préfète du Tarn doit se prononcer bientôt (cliquer ici pour voir l’article du Tarn Libre) concernant l’avenir du projet de territoire du bassin versant du Tescou.
Quelle que soit la décision de l’Etat (recherche d’une issue gagnant/gagnant, imposition d’une issue gagnant/perdant ou abandon du projet de territoire (perdant/perdant)), notre collectif devra rassembler tous ceux qui soutiennent une voie de satisfaction de nos besoins alimentaires par une agriculture paysanne économiquement viable, structurellement maîtrisée par les agriculteurs, respectueuse de l’environnement (de la qualité de l’eau, de la vie des sols, de la biodiversité par la préservation des Zones Humides, la mise en place de haies, de parcelles en agroforesterie), du bien-être animal et de la santé humaine.
Nous souhaitons agir selon le concept de « Une Seule Santé » (One Health) du champ à l’assiette."
Je m'en voudrais de ne pas donner le point de vue exprimé par la FDSEA du Tarn dans son journal en octobre 2020 :
Projet de la vallée du Tescou : "il faut conclure, ça a trop duré"
Les agriculteurs de la vallée du Tescou se sont mobilisés à proximité de Sivens, samedi 3 octobre. Ils ont ainsi rappelé l’urgence à trouver de l’eau pour sauver les fermes du territoire.
"Franchement, ça ne nous amuse pas de faire ça, car on a autre chose à faire... Mais là, on en a marre, il faut conclure !" Cet agriculteur de 39 ans résume ainsi l’état d’esprit des manifestants, désespérés de voir le projet de territoire de la vallée du Tescou s’enliser, venus bloquer la route à proximité de Sivens, samedi 3 octobre. Des branches mortes ont été déversées symboliquement au croisement de la D132 et de la D199 pour rappeler que "la vallée est à l’agonie" et "la profession à bout de souffle", selon un communiqué commun de la FDSEA et des JA du Tarn.
"On a passé beaucoup de temps en réunion, sur nos heures de travail. Beaucoup d’argent a été dépensé pour produire différentes études. On a joué le jeu, mais apparemment l’État n’est pas désireux de conclure…", poursuit ce même agriculteur soucieux de rester anonyme compte tenu des tensions toujours vives sur le territoire. À côté de lui, un agriculteur tarnais d’à peine 30 ans s’exprime avec la gorge serrée par l’émotion : "On en a tellement ras-le-bol ! Le monde agricole fait le dos rond depuis trop longtemps. On a participé à deux cents réunions, on a écouté toutes les idées, on a fait toutes les études, on est maintenant arrivé au bout de la procédure et rien ne bouge ! Il faut conclure, ça a trop duré. On a fait tout ce qu’on nous a demandé en restant polis et courtois, mais au bout d’un moment ça va craquer. Ça devient dangereux pour tout le monde."
"QU'EST-CE QU'ON VA DEVENIR ?"
La sécheresse de cet été a cruellement rappelé un point sur lequel tout le monde est pourtant d’accord : la vallée du Tescou a besoin d’eau. "Cette année, mes rendements sont catastrophiques, explique ce producteur de grandes cultures et de melons à la tête de 100 ha. Il aurait suffit d’un tour d’eau en plus pour que j’arrive à vivre de mon travail, alors que là, je mange de l’argent avec ce que j’ai fait…" L’eau lui permettrait de sécuriser ses cultures et donc ses revenus. "On regarde la pluie tomber l’hiver, avec parfois des parcelles qui se retrouvent inondées, et l’été on voit les poissons crever car le Tescou est complètement à sec, déplore son voisin. Qu’est-ce qu’on va devenir dans dix ans ?"
Cette interrogation est d'autant plus insoutenable qu’elle met en lumière un paradoxe : la demande pour les produits locaux n’a jamais été aussi forte, mais les installations d’agriculteurs sont rendues impossibles faute d’eau. "J’ai régulièrement des demandes de jeunes maraîchers qui cherchent des terrains pour s'installer, constate Bernard Miramond, maire de Salvagnac. Mais quand ils voient qu’ils ne peuvent pas sécuriser leur production, ils font marche arrière. C’est dommage, alors que la conjoncture est là avec des cantines et des consommateurs en demande…"
Pour Marie-Line Lherm, maire de Lisle-sur-Tarn, conseillère départementale et co-présidente de l’instance de co-construction du projet de territoire, l’État se montre véritablement "irrespectueux. On a assumé collectivement la commande de l'État et nous sommes parvenus à un consensus. On attend maintenant qu’il se prononce sur la qualité du travail fourni." Il y a urgence pour sauver la vallée. "Le désespoir n’est jamais bon", rappelle le maire de Salvagnac.
-
Monnery
Résultat des élections à la Chambre d'Agriculture de 2019 dans le collège exploitants :
TARN (81)
Inscrits : 5357 Suffrages exprimés : 2657
Votants : 2744 Votes blancs/nuls : 87
Participation : 51.22%
Résultats par liste
FNSEA-JA 50.96%
Confédération Paysanne 23.56%
Coordination Rurale 25.48%
Dans ce contexte très conflictuel, où le gouvernement attise les braises de "l'écolo bashing" en faisant feu de tout bois, il convient de redonner un peu de place aux faits.
Selon les chiffres donnés lors d'une table ronde sur le barrage illégal de Caussade au Salon Horizons verts du 4 octobre 2020 à Villeneuve sur Lot, avec la participation de l'eurdodéputé Benoît Biteau, agriculteur en Charente maritime, le déficit en eau projeté en 2050, à pratiques égales à celles d'aujourd'hui, sur le bassin versant Adour-Garonne est de 0,8 à 1,5 Md de m3. Aucun programme de barrages-réservoirs ne saurait combler un tel déficit. La conclusion qui s'impose et qu'une bonne partie du monde agricole1 refuse est qu'il faut diminuer drastiquement les prélèvements d'eau en changeant les pratiques agricoles.
1 majoritaire dans le Lot et Garonne, mais très relativement : les 1759 voix de la Coordination rurale ne représentent que 33,27% des électeurs inscrits chez les chefs d'exploitation; même en y ajoutant les 725 voix de la FNSEA-JA on n'arrive qu'à 46,98%...) Résultats élections Chambre d'Agriculture 1er collège (chefs d'exploitation agricoles et assimilés) du 7 février 2019 : LOT-ET-GARONNE (47) Inscrits : 5287 Suffrages exprimés : 2948 Votants : 3034 Votes blancs/nuls : 86 Participation : 57.39% Résultats par liste Coordination Rurale 59.67% FNSEA-JA 24.59% Confédération Paysanne 9.91% MODEF 5.83%
|
Post Scriptum du 12-3-21 : L'hypocrisie officielle
Peu après avoir rédigé ce texte, il me passe entre les mains la plaquette de présentation du projet de SDAGE (Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux) du Comité de Bassin Adour-Garonne, édité sous l'autorité du Préfet de la région Occitanie, pour 2022-2027.
Une première lecture rapide m'avait heureusement surpris : n'était-il pas écrit dans l'orientation consacrée à l'action "pour assurer l'équilibre quantitatif" (orientation C) que dans ses "principes et modalités d'action" les Schémas de Gestion et d'Aménagement des Eaux (SAGE) par grands cours d'eau auront pour objectif notamment de "permettre et favoriser le stockage de l'eau dans les sols et les nappes grâce à la mise en place de solutions fondées sur la nature" ?
Ces dernières étant définies plus loin comme le fait d'"utiliser les écosystèmes naturels pour assurer des fonctions au bénéfice de la qualité de l'eau et des milieux".
Dans mon innocence, je pensais donc que ces formulations excluaient la mise en place de nouveaux barrages-réservoirs de surface !
Hélas, je n'avais pas lu, dans la même page, noyé dans le texte de façon plus discrète, que "les actions à combiner sur les territoires , pour assurer durablement l'équilibre quantitatif en période d'étiage, portent, pour l'essentiel, sur :
(...)
-la mobilisation de réserves d'eau existantes ou à créer," (NB c'est moi qui souligne).
Où est donc passé l'engagement vertueux à favoriser le stockage de l'eau dans les sols et les nappes ? C'est bien de la destruction programmée de nouvelles zones humides, comme à Sivens, qu'il est ici question.
Dans un contexte où la ressource en eau disponible est en effet prévue à la baisse (1,2 Md de m3 de déficit annoncé en 2050 entre ressources et besoin, avec une baisse de débit des rivières prévu entre 20 et 40%), il faut donc s'attendre, malgré les proclamations hypocrites en faveur des économies d'eau, à une nouvelle fuite en avant dans une forme de stockage accaparatrice, inefficace et destructrice des milieux.
NB : Enfonçons le clou : quand l'Agence de l'Eau annonce une baisse de débit moyen des rivières de 20 à 40% d'ici 2050, cela veut dire que la ressource en eau tombée du ciel va baisser d'autant. Malgré l'illusion créée par l'alternance de sècheresses renforcées en été et de pluies plus abondantes en hiver, le bilan global reste nettement négatif. Donc, vouloir constituer de nouvelles réserves est parfaitement illusoire...comme on le voit actuellement en Californie, où les nombreux barrages existants restent depuis plusieurs années à moitié vide !
La dualité du discours de l'Agence de l'Eau est ici précisée par son directeur, qui feint de croire à un apaisement dont on a vu qu'il n'existe pas à propos de Sivens :
"Pour créer des réserves, il existe plusieurs solutions"
Publié le 04/03/2021 à 05:08 , mis à jour à 05:13
Guillaume Choisy
Directeur général d’Eau Grand Sud-Ouest, agence de l’eau Adour- Garonne
Quels sont les besoins du grand territoire Adour-Garonne en matière de retenues d’eau ?
La cartographie des besoins du territoire est pratiquement terminée puisque nous finalisons notre étude pour la décliner par sous bassin d’ici cet été. La retenue n’est pas la seule solution pour stocker l’eau. Il existe en fait un bouquet de solutions. Lesquelles ?
La préservation des zones humides est un levier précieux. Avec l’appui des régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie nous investissons au total 15 millions d’euros pour préserver 3 000 hectares de zones humides. Cela nous permettra de stocker 30 millions de mètres cubes d’eau supplémentaires. Nous avons aussi lancé des appels à projet sur les économies réalisables dans l’agriculture et l’industrie ainsi que sur l’évolution des filières agricoles avec par exemple les cultures sous couvert végétal.
Quid des retenues d’eau ?
Sur ce sujet notre plan d’investissement sera finalisé d’ici la fin de l’année. Là encore il ne s’agit pas de se limiter à la création de nouvelles retenues. Nous pouvons aussi optimiser les infrastructures existantes par exemple en les rehaussant, en entretenant les réserves d’eau ou en prévoyant un système de réalimentation pour les remplir.
Combien de projets avez-vous identifiés ?
Sur les 147 rivières que compte le bassin Adour Garonne, 43 rivières vont faire l’objet d’une mesure structurelle et d’investissement. Cela comprend des retenues nouvelles mais aussi des améliorations de l’existant. Sur les grands axes comme la Garonne nous serons davantage sur des optimisations. Quant aux retenues d’eau, elles seront plus petites que par le passé. C’est le cas pour le Midou qui traverse les Landes, les Hautes-Pyrénées et le Gers où le projet de grande retenue s’est transformé en quatre retenues plus petites. Sur les 43 territoires concernés, 38 font l’objet d’une concertation apaisée. Nous sommes clairement entrés dans une phase opérationnelle.
Quand les usagers de l’eau bénéficieront de ces investissements ?
D’ici 2027 tous ces projets doivent aboutir afin d’atteindre l’équilibre de la ressource en eau pour mettre fin au déficit annuel à 250 millions de m3. Ces investissements bénéficieront à l’eau potable, l’agriculture, la biodiversité par le maintien des étiages… Depuis Sivens, les parties prenantes s’écoutent et construisent ensemble les projets.
Gil Bousquet