Ni islamo-gauchisme...ni colonial-laïcisme
A propos d'une victoire idéologique
Ni islamo-gauchisme... ni colonial-laïcisme ?
Opportunément, "Le Monde" (daté 8-12-20) revient sur le succès de l'offensive des "laïcards" (mot employé entre guillemets qui manifeste l'absence de dénomination reconnue du phénomène).
La loi en gestation sur le "séparatisme islamiste", devenue "loi confortant les principes républicains" porterait la marque de leur "victoire idéologique".
Mais, en ces temps incertains et confus, de quelle "victoire" s'agit-il ?
La question vaut d'être posée.
Cette "victoire" supposée d'un camp présenté comme hétérogène, complexe et divers, repose sur la définition d'un adversaire par un vocable sur-utilisé : "l'islamo-gauchisme".
Que derrière l'utilisation de ce vocable se trouvent des positions elles aussi hétérogènes, complexes et diverses, n'a pas arrêté les porte-paroles de ce courant, que je propose donc de nommer "colonial-laïcisme" !
Ainsi serait acté ce que regrettent paraît-il les tenants des positions les plus extrêmes dans les deux camps : qu'en ligne et sur les plateaux télé, le combat soit binaire et réducteur et qu'il "ne reste plus de place à la pensée complexe". Comme le remarquent les autrices de l'article du "Monde" (Cécile Chambraud et Louise Couvelaire) en "faisant mine d'ignorer qu'ils y contribuent."
Revenir au sens de la nuance
Comme je l'ai récemment remarqué à propos de Jean Birnbaum, qui avait pourtant peu auparavant appelé à ce sens de la nuance, la sélectivité et la mauvaise foi obèrent trop souvent de justes constats.
Qu'il existe un Islam politique, avec un projet et un agenda de séparatisme et de domination, n'induit pas qu'il faille le voir partout et jeter le soupçon sur l'ensemble des musulmans de France.
On sait que si une partie notable de la jeunesse musulmane (un quart selon certains sondages) est travaillée par les idées séparatistes en rupture avec les valeurs républicaines, la grande majorité des musulmans de France y adhère profondément.
La question posée, et à laquelle il faut trouver des réponses, est : où précisément, et pourquoi, se sont constitués ces ilots séparatistes.
On a des éléments de réponse qui devraient constituer le point de départ d'un plan d'action.
Il s'agit de l'abandon de quartiers entiers par l'action sociale, culturelle, économique et éducative de certaines municipalités appauvries, au profit d'une sous-traitance à un monde associatif islamiste, sur fond de clientélisme électoral. Phénomène que l'on retrouve à la fois dans des municipalités "de gauche" et des municipalités "de droite".
Le projet Borloo de "plan banlieue", sollicité puis abandonné par Macron, serait donc a priori plus pertinent qu'une loi répressive "confortant les principes républicains"...dont les effets "binaires et réducteurs" ne peuvent que renforcer la propagande islamiste, voire (s'il existe) 'l'islamo-gauchisme", d'un côté, la propagande d'extrême-droite et le vote afférent, voire (s'il existe) le "colonial-laïcisme" de l'autre !
Sortir de la stigmatisation et entrer dans le concret
Les phénomènes de repli identitaire se nourrissent de la peur de l'inconnu. La première chose à faire est donc d'investir dans la connaissance : connaissance de l'autre et sortie des ghettos mentaux et matériels.
Cela suppose une lutte effective contre ce que Manuel Valls, dans un court moment de lucidité, a baptisé une situation "d'apartheid" de certains quartiers de nos villes.
C'est donc en premier lieu d'une véritable politique du logement dont nous avons besoin, à l'heure où le nombre de sans-logis est en train d'exploser !
En second lieu, et à vrai dire, en même temps, il faut investir dans la culture et l'éducation en multipliant les occasions et les lieux d'échanges.
Ces deux priorités ne sauraient être éludées par un faux débat idéologique qui ne fait qu'en retarder l'urgente prise en compte.
Ainsi vivraient vraiment les principes républicains de liberté, égalité et fraternité.