Avec Mireille DELMAS -MARTY en défense de la démocratie

Publié le par Henri LOURDOU

Avec Mireille DELMAS-MARTY

en défense de la démocratie.

 

Rien à ajouter ou à retrancher à l'impeccable tribune de Mireille DELMAS-MARTY dans "Le Monde" daté 24-10-20.

Mais je me dois quand même de résumer son propos pour tenter de le rendre accessible à plus de monde que les lecteurs attentifs de ce quotidien.

 

Fragilité de la démocratie

 

Elle rappelle pour commencer que c'est le triptyque "démocratie, Etat de droit, droits de l'homme" qui a présidé aux progrès civilisationnels difficiles des deux derniers siècles, et surtout de la deuxième moitié du XXe.

Or ces progrès sont fragiles et aujourd'hui ce triptyque est méthodiquement et inexorablement détruit depuis les attentats du 11 septembre 2001.

"assassinats ciblés, société de surveillance, enfermement préventif, justice prédictive, internements de sûreté marquent un basculement vers un régime autoritaire" un peu partout en Occident.

"D'un droit pénal de la responsabilité, qui fonde la punition sur la preuve de la culpabilité et la proportionne à la gravité de la faute, nous basculons vers un "droit pénal de la sécurité", un droit policier, voire guerrier, qui traite le suspect en criminel et le criminel en ennemi hors la loi."

Il faudrait pratiquement tout citer, mais retenons notamment que la "présomption d'innocence" et la "responsabilité" sont de plus en plus remplacées par une "dangerosité indémontrable" qui justifie des mesures d'internement administratif à durée indéterminée, véritables nouvelles "lettres de cachet" à la discrétion du pouvoir exécutif.

Le moteur de ces mesures est "la folie normative qui s'est emparée de nos sociétés de la peur".

Leur seul point d'arrêt actuel est le contrôle de constitutionnalité de ces nouvelles lois sécuritaires par le Conseil Constitutionnel : mais jusqu'à quand tiendra-t-il si les partisans de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits humains ne le soutiennent pas avec force ?

Car le nouveau climat d'hystérie qui a suivi l'assassinat de Samuel Paty soumet les juges, garants de l'Etat de droit, à une nouvelle pression, alors même que les technologies numériques permettent à présent par la combinaison "traçage, affichage, puçage" de "contrôler des "populations" humaines, assimilées à des produits dangereux".

 

Enjeux transnationaux

 

Nous vivons dans "la permanence des crises (terrorisme, pandémie, changements climatiques, révoltes sociales, désastre humanitaire des migrations...) et l'imminence des catastrophes qu'elles annoncent (au plan national, européen, voire global)."

Ce qui nous oblige à "unir nos efforts pour éviter, à la fois, le grand effondrement annoncé par les collapsologues et le grand asservissement préfiguré par le modèle chinois."

 

Recherche d'un nouvel équilibre mondial et social

 

Sans aller jusqu'à la construction encore improbable d'un Etat mondial, il faut initier "un processus d'humanisation réciproque, autour de valeurs communes inspirées par les diverses visions de l'humanisme". Cela passe par un renforcement du Droit et des juges impartiaux et indépendants, et un nouvel équilibrage "entre les libertés individuelles et les solidarités collectives; entre l'esprit de responsabilité et le devoir d'obéissance; entre l'indépendance et l'interdépendance."

 

Difficulté d'un nouvel équilibre personnel et totalitarisme doux

 

Ce nouvel équilibre mondial et social passe nécessairement par un renoncement personnel "à certains excès auxquels le "productivisme-consumérisme" nous a habitués."

Or "ce renoncement sera difficile" : outre qu'il est absent de tout discours officiel, pour ne pas dire tabou, il se heurte à nos "véritables addictions mortifères", à "notre désir illimité d'avoir accès à tout, tout le temps, sans attendre."

D'autant qu'il est soigneusement exploité à la fois par les firmes transnationales et par les agences de renseignement qui transforment insensiblement nos démocraties "en un totalitarisme doux".

 

Forces imaginantes du droit et revitalisation de la démocratie

 

" Pour résister à nos désirs, à l'heure du numérique et des réseaux sociaux, la peur n'est pas bonne conseillère". Il faut au moins la combiner à d'autres affects, qui sont la curiosité, l'empathie et l'émerveillement de faire partie de cette extraordinaire aventure du vivant, comme le rappelle le philosophe et naturaliste Baptiste Morizot. Et, en s'appuyant d'abord sur la connaissance, plutôt que sur l'ignorance revendiquée par les idéologues de la peur ("expliquer c'est excuser"), promouvoir de nouveaux concepts juridiques tels que "biens communs mondiaux", "droit des générations futures" , "écocide".

Ainsi nous redonnerons un nouveau sens au triptyque "Démocratie, Etat de droit, droits humains" en répondant aux défis d'aujourd'hui.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article