Les responsabilités actuelles du syndicalisme

Publié le par Henri LOURDOU

Les responsabilités actuelles du syndicalisme

Les responsabilités actuelles du syndicalisme

 

Triste bégaiement de l'Histoire ? Je reproduis la couverture d'une brochure de 1965 qui me semble poser la question avec pertinence. Celle-ci a aujourd'hui autant d'urgence et d'acuité qu'alors.

Alors ? Le gaullisme triomphant avait réduit la place et le rôle des syndicats, un peu à l'image du macronisme actuel. La division syndicale rajoutait son poids de fatalisme à l'impuissance militante.

Aujourd'hui, cette même division syndicale a pris un nouveau visage, mais elle plombe tout autant le rapport de force entre Etat + patronat et travailleurs.

D'un côté l'activisme impuissant du pôle contestataire CGT-FSU-Solidaires, de l'autre la position hégémoniste d'une CFDT de plus en plus paralysée par le poison lent de la bureaucratisation.

Entre les deux, des travailleurs qui jouent le rôle de spectateurs désabusés... Et des organisations (FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa,...) qui naviguent entre le pôle activiste et le pôle bureaucratique.

Il serait peut-être temps, comme en 1965, de se poser des questions en dépassant les a priori de boutique... En se réunissant entre militants syndicaux de toutes obédiences pour traiter des vrais questions communes. Comme l'ont fait à l'époque ces militants qui ont permis la mise en place d'une unité d'action qui a duré bon an mal an de 1966 à 1980 et permis de grandes avancées sociales. Car, aujourd'hui comme hier, c'est dans l'unité que les travailleurs avancent !

Post-Scriptum sur l'hégémonisme et la bureaucratisation de la CFDT.

 

Adhérent depuis décembre 1981 de cette organisation, et y tenant encore quelques mandats locaux, j'ai longtemps hésité à formuler ce jugement.

Quelques faits récents m'ont cependant convaincu qu'il était pourtant temps de le faire.

Le "ver est dans le fruit" depuis longtemps. Dès les années 80 certains ont commencé à s'inquiéter au sein-même de la CFDT. Ainsi l'historien Michel BRANCIARD, lui-même militant CFDT, dans son ouvrage de référence "Histoire de la CFDT" de 1990 ("La Découverte", 366 p.) concluait en remarquant : "Une comparaison entre les douze dernières années et les années antérieures met en évidence une implication moindre des organisations (fédérations, unions régionales et départementales) dans le fonctionnement confédéral. Même le bureau national, qui est pourtant l'organe dirigeant entre les congrès, s'est le plus souvent contenté de réagir aux propositions de la commission exécutive. Faut-il incriminer une conception centraliste de celle-ci dont les projets trop élaborés ne permettent pas toujours un véritable débat ?" (p 352)

Il faisait remarquer plus haut ( note de la p 314) que "Le secrétariat confédéral (...) comprend, outre les secrétaires confédéraux, les secrétaires-permanents, les journalistes, les cadres techniques, et, bien sûr, les secrétaires nationaux, membres de la commission exécutive. De 33 personnes en 1959, il est passé à 52 en 1967, 57 en 1973, 94 en 1980." Non seulement cet "appareil confédéral" central n'a depuis fait que croître, mais il faut à présent lui ajouter des appareils confédéraux régionaux qui ont fait de même et se sont eux-mêmes centralisés dans 13 régions au lieu de 22 depuis la loi Notre de 2014.

Plus globalement, des sociologues ont établi à l'orée des années 2 000 la rétraction du syndicalisme sur une couche étroite de "professionnels " : "A la CFDT, le noyau central réunit 3 000 permanents qui se répartissent entre les sièges parisiens de la confédération et des fédérations, les unions régionales et départementales, les gros comités d'établissement ou organismes similaires. Autour de ce premier noyau un premier cercle est constitué de 7 000 responsables qui consacrent également la majorité de leur temps à leur activité syndicale, dans leur établissement et dans leur syndicat. Ces responsables assurent le lien entre les appareils centraux et les cellules de base du syndicalisme. Leur fonction est stratégique pour la cohérence d'ensemble.(...) Un deuxième cercle, beaucoup plus large, rassemble 220 000 militants (40% des effectifs) (...) Il s'agit de titulaires de mandats dans l'entreprise ou dans la Fonction publique. Ils disposent de crédits d'heures pour accomplir ces fonctions. (...) Ils se désintéressent souvent de la vie confédérale et vivent dans un relatif cloisonnement (...) Un troisième cercle comprend les anciens élus ou responsables, dont beaucoup de retraités. Cela représente 100 000 adhérents, fidèles à l'organisation. Un dernier cercle est composé de 200 000 adhérents de base ou simples cotisants. Leur proportion est faible en comparaison des autres pays européens et par rapport à la situation française il y a trente ans. (NB :C'est moi qui souligne) (Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, "Sociologie des syndicats", La Découverte, coll Repères n°304, 2000, p 74-5).

Et ils remarquent : "Tandis que les premiers cercles ont eu tendance à se gonfler, avec l'institutionnalisation du syndicalisme, la crise des effectifs a d'abord touché les adhérents de base." (p 75)

Depuis vingt ans, malgré l'insistance mise par l'organisation sur la syndicalisation, le processus ne s'est pas inversé, loin de là. Et avec l'amorce d'une "désinstitutionnalisation" du syndicalisme (lois Macron instituant le CSE comme instance unique de représentation avec des moyens réduits, et réduction des prérogatives des instances paritaires dans les Fonctions publiques), le syndicalisme est clairement menacé dans son existence-même en tant que représentant des travailleurs.

Ce phénomène touche toutes les organisations.

Aussi, face au péril, se complaire dans la concurrence électorale, qui reste le seul moyen d'assoir un minimum de représentativité en jouant des différences de posture et de discours, semble bien vain. Se gargariser, comme le fait la CFDT, de sa place enfin obtenue de 1e organisation représentative, tout comme, pour la CGT , se désoler de l'avoir perdue, semble tout aussi dérisoire face aux enjeux.

C'est la capacité même d'action des syndicats qui est en cause.

Cela passe par un examen sérieux des modalités d'action collective aujourd'hui possibles pour créer un rapport de force favorisant la négociation. Une négociation de plus en plus impossible... Ce dont pâtissent tous les travailleurs.

Publié dans syndicalisme

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article