Droits des exilés : la radicalité nécessaire
Droits des exilés :
la radicalité nécessaire.
Il peut sembler étonnant ou paradoxal que des organisations humanitaires réputées pour leur modération et leur sérieux se joignent à des organisations extrémistes pour revendiquer trois mesures radicales : la régularisation de tous les sans-papiers, la fermeture des Centres de Rétention Administrative (CRA) et le droit au logement pour tous.
C'est que la radicalisation des politiques de non-accueil depuis le début de l'épidémie de Covid-19 a augmenté, augmente et augmentera de telles situations de détresse que les demi-mesures ne sont plus de mise.
Il semble que la mesure de la situation a été enfin prise par la Commission européenne suite à l'incendie du camp de Moria sur l'île de Lesbos.
Elle travaille donc à l'abolition du réglement Dublin qui confiait aux seuls pays d'entrée dans l'espace Schengen la tâche de l'accueil et de l'instruction des demandes de séjour.
La question d'une politique d'accueil solidaire au niveau européen est enfin posée.
Mais l'urgence est bien de sortir de la précarité absolue toutes les cohortes de sans-papiers qu'a créées la politique de non-accueil.
Pour cela des mesures radicales d'urgence sont nécessaires.
C'est la raison pour laquelle il faut soutenir les marches des solidarités parties le 19 septembre de diverses villes de France et qui convergeront à Paris le 17 octobre pour demander une audience à l'Elysée.
propositions pour la régularisation large et durable des personnes sans-papiers
DES POLITIQUES PUBLIQUES QUI FABRIQUENT LA PRÉCARITÉ ADMINISTRATIVE Bien avant la crise sanitaire, le traitement réservé par les pouvoirs publics aux personnes étrangères démontrait déjà l’urgence d’un changement de cap en matière de politiques migratoires. À un rythme effréné, les réformes législatives ont rendu la régularisation de plus en plus inaccessible pour les personnes sans-papiers : — Extension de l’arbitraire laissé au pouvoir préfectoral ;— Création de conditions absurdes (travailler de façon déclarée ou suivre de longue date une formation professionnelle pour être régularisé·e, alors que l’absence de titre de séjour l’interdit) ;— Conditions durcies au nom de la lutte contre une fraude largement fantasmée (frappant notamment les jeunes majeur·e·s, les personnes gravement malades, les conjoint·e·s de Français·e·s ou les parents d’enfants français·e·s) ;— Création de mesures d’expulsion et de bannissement bloquant toute possibilité de demander un titre de séjour, potentiellement à vie.Réforme après réforme, l’accès aux droits des personnes étrangères a été complexifié : conditions restrictives d’octroi d’un droit au séjour, arsenal de mesures d’expulsion et de bannissement, procédures administratives kafkaïennes et arbitraires... Aujourd’hui, les permanences associatives,dont celles de La Cimade, sont emplies de personnes dont la vie est enracinée parfois de longue date en France et qui n’y obtiendront peut-être jamais de titre de séjour. À l’heure où les conséquences de la crise sanitaire mettent en lumière les nombreuses inégalités qui traversent la société française, dont notamment les effets de la précarité administrative, La Cimade revendique l’égalité des droits et demande la régularisation large et durable de toutes les personnes sans-papiers, par la délivrance d’un titre de séjour unique et stable, autorisant à travailler.
En parallèle, la précarité administrative s’est accrue, même pour les personnes déjà en situation régulière :— La carte de résident de dix ans n’est plus délivrée qu’au compte-goutte, les cartes temporaires d’un an ou les autorisations provisoires de quelques mois sont légion ;— Les récépissés, attestant de l’instruction d’une demande par l’administration, ne sont que rarement délivrés. De nombreuses personnes se retrouvent dans l’impossibilité de justifier de leur droit au séjour, alors même qu’elles en disposent, et sont ainsi exposées à de graves conséquences quant à leur droit au travail, au logement, à la protection sociale... quand elles ne sont pas interpellées pour être expulsées. Enfin, la machine administrative s’est bloquée :— Obtenir une information fiable est souvent impossible ;— Le simple dépôt d’une demande de titre de séjour peut demander des mois voire des années d’attente, derrière un écran d’ordinateur, d’un rendez-vous obligatoire mais jamais disponible ; — Obtenir une réponse sur cette demande relève dans certains départements de la chimère, et les préfectures adressant une telle réponse dans le délai qui leur est légalement imparti sont rares.
LA CRISE SANITAIRE, MIROIR GROSSISSANT L’URGENCE À CHANGER DE CAP
Dans ce contexte, la crise sanitaire a été un événement soudain, brutal et global qui a mis en lumière les profondes inégalités qui touchent, sans distinction de nationalité, les membres de la société française. Les personnes précaires ont été à la fois les « premières de corvée » et les plus durement frappées par le confinement du fait de leurs conditions de logement, de la raréfaction voire de l’absence de leurs ressources, mais aussi, concernant les personnes étrangères, de la fermeture soudaine des administrations. À l’heure du déconfinement progressif, l’accès aux droits des personnes étrangères s’annonce plus complexe que jamais. De nombreuses personnes non concernées par les prolongations de droits les ont perdus à cause du confinement. Des centaines ou des milliers de rendez-vous programmés depuis mi-mars ont été annulés. Les préfectures sont aujourd’hui dans l’incapacité de répondre à la totalité des demandes dans des délais raisonnables alors que ceux-ci étaient déjà de plus en plus longs avant l’arrivée de la crise sanitaire. Les multiples lois et ordonnances ont créé des règles incompréhensibles du grand public, et qui s’ajoutent aux préexistantes.
LA NÉCESSITÉ D’UNE REFONTE PROFONDE DES POLITIQUES MIGRATOIRES La Cimade dénonce la machine administrative actuelle, véritable fabrique d’invisibles, conséquence d’une catégorisation des publics, de l’édiction successive de critères très restrictifs et de règles arbitraires mises en place par l’administration au fil du temps. Elle constate une situation d’engorgement des services administratifs que la période récente a accentuée. La régularisation large et durable, la délivrance de titres de séjour stables et la simplification profonde et pérenne des règles et modalités d’accès au séjour apparaissent comme des impératifs majeurs .
LE 16 JUIN 2020.
Fermeture des CRA :
en temps de confinement, plus que jamais une exigence impérieuse !
Dès le 18 mars 2020, l'Observatoire de l'enfermement des étrangers (OEE)1 appelait le
gouvernement à faire immédiatement cesser l'enfermement des personnes étrangères retenues dans les centres et locaux de rétention administrative, dans les zones d’attente et au poste de police de Menton pont Saint-Louis. Il soulignait déjà que leur libération s’imposait dans le contexte de lutte contre la pandémie du Covid 19 : d’une part, parce que la fermeture des frontières et la mise à l'arrêt du trafic aérien privent la rétention de sa justification – expulser les étranger.es –, d’autre part parce que ces lieux de privation de liberté sont propices à la propagation rapide du virus2.
Dans de nombreux cas, les juges chargé·es de vérifier les conditions d’enfermement des personnes
retenues ont précisément refusé, pour ces deux raisons, de les maintenir en rétention3.
Le gouvernement est resté sourd à ces alertes : de nombreuses personnes ont continué d'être
retenues ou placées dans des CRA, le plus souvent après avoir été transférées depuis un
établissement pénitentiaire où elles avaient définitivement purgé leur peine. C'est pourquoi plusieurs organisations membres de l'OEE, accompagnées du Conseil national des barreaux (CNB), ont saisi le Conseil d'État d'une requête en référé liberté afin de voir ordonner la fermeture des centres de rétention administrative (CRA).
Dans son ordonnance du 27 mars, le Conseil d’État a rejeté cette requête. Accordant un crédit
inconditionnel aux affirmations du ministre de l’intérieur, il a considéré :
- qu'il n'y avait "pas de carences dans l’accès aux soins des personnes retenues"
- que des instructions avaient été diffusées pour "l’observation des mesures d’hygiène et une
répartition spatiale de l’occupation à l’intérieur des centres"4.
Les informations et témoignages recueillis depuis lors sur la situation dans les CRA montrent que le
Conseil d'État a entériné le principe d’une « protection au rabais pour les étranger.es »5. Les
retenu·es aux CRA de Oissel et du Mesnil Amelot, les représentant·es des associations intervenant
au CRA de Vincennes ou de soutien aux personnes qui y sont retenues, les député·es et élu·es qui
ont visité les CRA de Cornebarrieu et du Mesnil-Amelot,6 tous et toutes apportent un démenti
formel aux assurances du ministre et établissent clairement :
- que les retenu·es sont maintenu·es dans une promiscuité et dans des conditions d'hygiène
déplorables, incompatibles avec les recommandations de distanciation sociale et de protection
individuelle ;
- que les mesures sanitaires de prévention contre la diffusion du Covid-19 ne sont pas et ne peuvent pas être mises en place compte tenu de la configuration des lieux et des modalités de
fonctionnement des centres ;
- que ni les retenu·es, ni les personnels de service, ni les effectifs de police ne sont doté·es de
masques et de produits désinfectants ;
- que la mise en danger de contamination de l'ensemble des personnes présentes est permanente ;
- que plusieurs cas de contamination au Covid 19 ont au demeurant été confirmés, notamment de
trois personnes retenues au CRA de Vincennes, dont une depuis le 7 mars.
Dans son ordonnance du 27 mars, le Conseil d'État a également justifié l’inconcevable refus du
gouvernement de fermer les centres de rétention au motif que l’administration avait pu procéder,
dans la période récente, à des expulsions "en dépit des restrictions mises par de nombreux Etats à
l’entrée sur leur territoire et de la très forte diminution des transports aériens". Depuis lors et selon nos informations, aucune expulsion n'a été réalisée - à l’exception d'une expulsion vers le Brésil … depuis la Guyane - faute de vols disponibles ou d'accord des pays de renvoi. Que les personnes encore retenues dans les CRA soient, ou non, d'ancien·nes détenu·es n'y changera rien : leur expulsion reste impossible et leur rétention privée de base légale.
Les lettres ouvertes, les pétitions, les interpellations directes des préfets se multiplient. Les
personnes retenues, excédées et désespérées, s’organisent pour lutter collectivement contre cette
aberration. Il faut se rendre à l'évidence : l'obstination du gouvernement défie tous les principes
aussi bien que le bon sens. Ni les centres et locaux de rétention ni les zones d’attente, ne sont des
centres de confinement. En y maintenant coûte que coûte et côte à côte, dans des conditions
matérielles honteuses, des étranger·es qu’il ne pourra pas expulser, le personnel assurant les
services de livraison et d'entretien des locaux et des effectifs de police qui vont et viennent
quotidiennement - tou·tes et tous privé·es des dispositifs de protection qu’il recommande ailleurs -
il brave les principes de précaution sanitaire élémentaires et expose toutes ces personnes à des
risques de contamination majeurs.
C'est ce qu'a déjà admis, le 15 avril, le juge des référés du tribunal administratif de Paris en estimant que « le préfet de police (…) entretient le foyer de contamination qui a été récemment identifié au sein de ce centre, et méconnaît de ce fait les impératifs de santé publique qui s’imposent à lui en vertu de l’état de catastrophe sanitaire mettant en péril la santé de la population ».
L’état d’urgence sanitaire doit agir comme un révélateur : les CRA et autres lieux où sont
parqués les étranger·es, sont incompatibles avec le respect des droits. Sans plus attendre, leur
fermeture s’impose. Mais au-delà de la période de crise que nous traversons, qui en démontre
de façon criante le caractère discriminatoire et mortifère, il faut en finir avec l’enfermement
administratif des étranger·es.
1 Organisations membres de l'OEE : ANAFE, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), COMEDE,
Droits d'urgence, FASTI, Genepi, GISTI, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire citoyen du
CRA de Palaiseau, Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat des avocats de France (SAF)
2 OEE, Face à la crise sanitaire, l’enfermement administratif des personnes étrangères doit immédiatement cesser,
18 mars 2020, http://observatoireenfermement.blogspot.com
3 Cour d’appel de Rouen, 31 mars 2020 : « la privation de liberté ne peut perdurer sans perspective minimum
d’éloignement. Au surplus, M. X se trouve en France où le virus est actif et la pandémie n’a pas atteint son pic ; il
est placé en rétention depuis le 23 mars 2020 après avoir été détenu depuis le 27 février 2020 en maison d’arrêt où
les mesures contre la contamination ne sont pas optimales ».
4 Conseil d’État, ordonnance du 27 mars 2020, Gisti et autres, N° 439720.
5 ADDE, CIMADE, GISTI, SAF et CNB, Le Conseil d’État refuse la fermeture des centres de rétention : une
protection au rabais pour les étrangers, 30 mars 2020, https://www.gisti.org/spip.php?article6346
Paris, le 16 avril 2020
Vérifié le 06 juin 2018 - Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre)
Si vous avez effectué une demande d'hébergement mais qu'aucun hébergement adapté à votre situation ne vous a été proposé, un recours est possible. Vous pouvez saisir une commission de médiation. Si, en dépit de la décision favorable de la commission, vous ne recevez pas de propositions d'hébergement dans les délais requis, vous pouvez exercer un recours devant le tribunal administratif au titre du droit à l'hébergement opposable.
Vous êtes notamment concerné si :
-
vous êtes sans domicile fixe (SDF)/sans abri,
-
vous êtes hébergé chez un tiers,
-
ou vivez à l'hôtel.
Pour saisir la commission de médiation, vous devez au préalable :
-
avoir sollicité un accueil dans une structure d'hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale,
-
et n'avoir reçu aucune proposition adaptée en réponse à votre demande.
Vous devez pouvoir justifier vos démarches préalables (par exemples, ancienneté de la demande, répétition des demandes).
Le délai d'instruction de la commission de médiation est de 6 semaines.
À compter de la date de la décision de la commission de médiation, le préfet dispose d'un délai de 6 semaines pour faire une proposition d'hébergement. Ce délai peut être porté à 3 mois si la commission de médiation a préconisé l'obtention d'un logement de transition ou un logement-foyer.
Passé ce délai, si vous n'avez pas reçu de proposition adaptée, vous pouvez faire un recours devant le tribunal administratif.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F20343
Vérifié le 29 juin 2020 - Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre)
Lorsque vous n'avez reçu aucune proposition de logement social adapté à votre situation après un délai d'attente anormalement long, vous pouvez saisir la commission de médiation. Si vous êtes sans logement, ou menacé d'expulsion, ou si vous vivez dans un logement impropre à l'habitation, vous pouvez saisir la commission sans condition de délai. Si, malgré la décision de la commission, aucun logement ne vous est proposé dans le délai prévu, vous pouvez saisir le tribunal administratif.
Vous devez remplir les 3 conditions suivantes :
-
Être français ou disposer d'un droit ou d'un titre de séjour en cours de validité
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Ne pas pouvoir vous loger par vos propres moyens dans un logement décent et indépendant
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Remplir les conditions de ressources imposées pour un logement social
De plus, vous devez vous trouver dans au moins une des situations suivantes :
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Être demandeur d'un logement social depuis un délai supérieur au délai anormalement long (délai qui varie d'un département à l'autre [application/pdf - 153.7 KB] ) sans avoir reçu de proposition adaptée à vos besoins (par exemple : nombre de personnes à loger) et capacités (par exemple : loyer adapté à vos ressources)
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Être sans logement (hébergé chez des proches, sans domicile fixe, ...)
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Avoir une décision de justice vous expulsant de votre logement
-
Être hébergé dans une structure d'hébergement ou une résidence hôtelière à vocation sociale de façon continue depuis plus de 6 mois, ou être logé temporairement dans un logement de transition ou un logement-foyer depuis plus de 18 mois
-
Être logé dans des locaux impropres à l'habitation, ou présentant un caractère insalubre ou dangereux (y compris une situation d'insécurité liée à des actes de délinquance)
-
Être handicapé, ou avoir à votre charge une personne handicapée, ou avoir à votre charge au moins un enfant mineur, et occuper un logement indécent ou suroccupé
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F18005
Conclusion : -trois mois (6 semaines+ 6 semaines) ou plus (démarches préalables à la procédure de recours) à la rue : c'est légal;
-au-delà, on peut faire un recours devant la justice...à condition d'avoir bien suivi les procédures avant ! Et espérer un jugement favorable...qui soit aussitôt appliqué.