Margaret ATWOOD Le temps du déluge

Publié le par Henri LOURDOU

Margaret ATWOOD Le temps du déluge

Margaret ATWOOD Le temps du déluge

(la trilogie de MaddAddam 2)

Roman paru en 2009 sous le titre "The Year of the Flood",

traduit de l'anglais (Canada) par Jean-Daniel BRÈQUE

(Robert Laffont, 2012)

Réédité en 10-18 (n°4876), oct 2014, 608 p.

 

 

Voici donc la suite du "Dernier homme", roman dystopique qui m'avait vivement impressionné en décembre dernier, et qui prend un relief tout particulier après la pandémie de Covid-19.

Celui-ci est centré sur une secte écologiste non-violente baptisée les "Jardiniers de Dieu".

Comme le premier tome, le roman est fait d'aller-retrours entre le temps de l'avant et celui de l'après-catastrophe (une pandémie fulgurante qui a tué la quasi totalité de l'humanité : voir ses raisons dans le tome 1).

Le récit est tout aussi subtil et alterne différents points de vue. Alors que le premier tome était centré sur celui du personnage de Jimmy-Snowman ("le dernier homme"), et sur son amitié avec Glenn-Crake, avec quelques reculs en focalisation externe permettant de les contextualiser, celui-ci est centré sur le personnage de Brenda (dite "Ren"), qui a été la petite amie de Jimmy à l'Université, et sur ses relations avec Toby, sa prof au sein de la secte des "Jardiniers".

Ainsi, dans le même monde, la focale se déplace vers ceux qui contestent cet ordre chaotique et clivé dominé par les grandes sociétés, les Corps, qui ont remplacé les États, et leur milice privée, le CorpsSeCor.

Le récit  va de l'an 10 de la fondation des "Jardiniers" à l'an 25 (qui est celui de la catastrophe, anticipée par ces derniers sous le nom biblique de "Déluge du ciel"). Il est entrecoupé de discours du chef de la secte, Adam 1er, lors de célébrations rituelles durant ces différentes années, qui nous donnent des clés de compréhension de la représentation du monde de la secte.

Comme dans le premier tome, il est riche de rebondissements et d'aperçus sur ce monde à la fois très éloigné et très proche du nôtre.

Et la fin du récit, où Ren retrouve Jimmy en piteux état, nous laisse encore sur notre faim : vite le 3e tome !

Fort heureusement, j'apprends qu'il est aussi paru en poche : 10-18 n° 4 975, sous le titre de "MaddAddam", ainsi que le tome 1 : 10-18 n° 4 063.

 

Et je me permets d'ajouter cet extrait de la passionnante interview de Margaret ATWOOD au n°12 de la revue "America" (hiver 2020) : "Nous savons très bien ce que nous devons faire. Nous pouvons même trouver toutes les procédures et toutes les technologies nécessaires pour réaliser cette transition (écologique) (...) Les politiciens auront-ils la volonté de les mettre en oeuvre ? Oui, si nous les y contraignons en votant massivement. C'est aux jeunes qu'il faut expliquer cela. Les jeunes détiennent la clé de l'avenir. Ils ont été massivement abstentionnistes aux dernières élections aux États-Unis. Il faut qu'ils aillent voter. Le choix aujourd'hui est le suivant : "Adapte-toi ou meurs". Vous savez je viens de fêter mes 80 ans. Dans quinze ans je ne serai vraisemblablement plus là pour voir ce qui se passera. Mais vous, vous serez là. Et dans quel état ?" (p 45)

A bons entendeurs, salut !

PS : à propos du pouvoir et de l'action respectives de l'État et des multinationales :

Une nouvelle rumeur Internet se répand : l'État aurait installé à l'insu et sans le consentement des intéressés l'application de traçage Stop-Covid sur les appareils de tous les possesseurs de smartphone.

Or voici ce qu'en dit la rubrique "Les décodeurs" du "Monde" :

"Comme l’explique le site Numerama, ces réglages de confidentialité existent bien – ils sont effectivement visibles sur les téléphones mis à jour – mais ils n’ont absolument aucun lien avec l’application lancée par le gouvernement. Les options disponibles sur les systèmes d’exploitation Android et iOS correspondent à une solution de traçage commune développée par Google et Apple. Il s’agit d’une interface de programmation permettant la création d’applications de traçage des malades.

 

Or, ces réglages ne concernent en rien StopCovid, qui ne s’est pas appuyé sur l’interface de programmation développée par Google et Apple, mais sur le protocole Robert développé en partie par l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). Une manière de gagner en « souveraineté technologique », comme l’a expliqué le secrétaire d’Etat chargé au numérique, Cédric O, dans Le Journal du dimanche le 26 avril :

 

« C’est la mission de l’Etat que de protéger les Français : c’est donc à lui seul de définir la politique sanitaire, de décider de l’algorithme qui définit un cas contact ou encore de l’architecture technologique qui protégera le mieux les données et les libertés publiques. C’est une question de souveraineté sanitaire et technologique. »

 

La rumeur s’appuie donc sur une confusion, et une méconnaissance du développement de StopCovid. Par ailleurs, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a rendu le 26 mai un avis globalement positif sur l’application mobile, notamment sur son protocole, dont elle avait qualifié le choix de « protecteur de la vie privée ». Ainsi, il est mensonger d’affirmer que le gouvernement français aurait installé en catimini une telle option sur nos smartphones."

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/06/01/non-l-application-stopcovid-n-est-pas-installee-en-douce-sur-les-telephones_6041416_4355770.html

 

Ainsi l'on peut voir que nos complotistes modernes, tout à leur obsession politicienne "anti-Macron", se trompent de cible. Et évitent ainsi de s'attaquer aux vrais responsables : les multinationales du numérique, qui préemptent peu à peu toutes les prérogatives régaliennes et nous acheminent doucement, sur fond de consumérisme béat, vers le monde décrit par Margaret ATWOOD.

Publié dans politique, écologie

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