loi Avia : des pavés de bonnes intentions ouvrant la voie à la censure numérique

Publié le par Henri LOURDOU

loi Avia : des pavés de bonnes intentions ouvrant la voie à la censure numérique

Loi Avia : des pavés de bonnes intentions

... qui flèchent la voie de la censure

 

Hypocrisie est décidément le maïtre-mot du macronisme. Alors que le gouvernement vient , ce 13 mai de s'attaquer par ordonnances au droit d'asile, déjà bien fragilisé, donnant ainsi satisfaction à toutes les revendications de Le Pen (https://www.lacimade.org/acces-aux-droits-et-crise-sanitaire-la-volte-face-du-gouvernement-fragilise-les-personnes-etrangeres/?fbclid=IwAR0zg2Z5z8sZbyB6besktkwuJ73dVcosMiKnKKyzeqnziLzX-UMK2TCgsH0)

au même moment, l'Assemblée nationale déconfinée vote en dernière lecture la loi Avia (du nom de la députée qui l'a portée) soi-disant destinée à combattre la haine sur Internet.

 

Or, dans les deux cas, le discours humaniste mielleux du Président entre clairement en contradiction avec les actes.

 

La haine sur Internet : un vrai problème.

 

On le sait, de véritables campagnes, alimentée par des usines à trolls, ont déferlé depuis quelques années sur Internet pour s'attaquer à des personnes, des institutions ou des groupes avec des messages haineux propageant à la vitesse de la lumière de fausses informations, les fameuses infox.

Face à cela, en l'absence de lois mondiales régulant la circulation de l'information sur Internet, le président Macron a souhaité la mise en place d'une loi française, alors même qu'une réflexion se mène au niveau européen sur le sujet.

 

Une réponse hâtive et mal préparée

 

Tout au long de la procédure ayant donné naissance à cette loi, le gouvernement français est critiqué tant par des ONG que par les instances européennes pour sa hâte et son manque de transparence (voir la notice wikipédia "loi Avia").

Le résultat est un texte qui laisse de nombreux parlementaires perplexes, voire dubitatifs : voir le nombre élevé d'abstentions lors du vote final du 13 mai 2020.

 

Un risque de mise en place d'une censure privatisée... ou policière

 

En effet, à la veille du vote final de la loi, l'ONG "La Quadrature du Net" nous alertait, le 11 mai 2020, sur ce dernier point :

 

"L’urgence de LREM est de donner à la police de nouveaux pouvoirs pour lutter contre le « terrorisme » sur Internet. L’Assemblée nationale votera le 13 mai 2020 la proposition de loi de Laetitia Avia qui, initialement présentée comme une loi « contre la haine », s’est transformée en janvier dernier en une loi « antiterroriste », telle qu’on en connait depuis des années, de plus en plus éloignée du principe de séparation des pouvoirs. Mercredi sera la dernière chance pour les député·es de rejeter cette dérive inadmissible.

 

Pour rappel, la proposition de loi initiale demandait aux très grandes plateformes (Facebook, Youtube, Twitter…) de censurer en 24h certains contenus illicites, tels que des contenus « haineux » signalés par le public ou la police. Pour une large partie, ces obligations seront inapplicables et inutiles, Laetitia Avia ayant systématiquement refusé de s’en prendre à la racine du problème – le modèle économique des géants du Web – en dépit de nos propositions, reprises par tous les bords du Parlement.

 

L’histoire aurait pu en rester à ce coup d’épée dans l’eau si le gouvernement n’avait pas saisi l’occasion pour pousser sa politique sécuritaire. Le 21 janvier, alors que la loi était examinée une deuxième fois par une Assemblée presque vide, le gouvernement a fait adopter un amendement de dernier minute renversant toute la situation.

 

Une nouvelle obligation vient éclipser le reste de la loi, ajoutée au paragraphe I de son article 1. Elle exige que tous les sites Web (pas uniquement les plateformes géantes) censurent en 1h (pas en 24h) les contenus signalés par la police comme relevant du « terrorisme » (sans que cette qualification ne soit donnée par un juge, mais par la police seule). Si le site ne censure par le contenu (par exemple car le signalement est envoyé un week-end ou pendant la nuit) la police peut exiger son blocage partout en France par les fournisseurs d’accès à Internet (Orange, SFR…).

 

La séparation des pouvoirs est entièrement écartée : c’est la police qui décide des critères pour censurer un site (en droit, la notion de « terrorisme » est suffisamment large pour lui donner un large pouvoir discrétionnaire, par exemple contre des manifestants) ; c’est la police qui juge si un site doit être censuré ; c’est la police qui exécute la sanction contre le site. Le juge est entièrement absent de toute la chaîne qui mène à la censure du site.

 

Le 26 février, le Sénat avait supprimé cette nouvelle disposition. Le texte revient mercredi pour une toute dernière lecture par l’Assemblée nationale, qui aura le dernier mot. Il est indispensable que les député·es suppriment l’article 1, paragraphe I de cette loi, qui permet à la police d’abuser de son pouvoir pour censurer le Web à des fins politiques – en cherchant à censurer les attaques contre le Président ou contre la police, comme elle le fait déjà."

 

 

Quant au premier, c'est dans "Le Canard Enchaîné" du 20 mai 2020 que l'on trouve très bien résumée la problématique :

"N'importe qui pourra, par simple e-mail, enjoindre à toute plateforme numérique de supprimer un contenu qui lui semblerait "haineux" et, à ce titre, contraire à la loi. Le responsable de la plateforme ou du moteur de recherche, disposera de 24h pour supprimer le message litigieux. Sinon gare ! L'amende pourra atteindre 250 000 €. Qui vérifiera que le contenu supprimé était vraiment illicite ? Personne. Et que risque l'opérateur en supprimant – en censurant – à tout-va ? Rien. Pas difficile de deviner quel parti prendront les géants d'Internet : pas  e vagues, pas d'ennuis, pas d'amendes, caviardons tranquillement à la première demande pour être peinards. Le business avant tout. La censure privatisée."

 

Des garanties juridiques indispensables

 

 

"C’est pourquoi les écologistes demandent :

 

du fait du risques d’effets pervers de censure automatisée de la liberté d’expression, de garantir que les retraits de contenus dans des délais d’une heure et 24 heures soient conservatoires, dans l’attente d’une décision de justice ;

de rétablir le contrôle par les juridictions publiques de la procédure, garant contre une instrumentalisation politique et afin d’éviter une privatisation de la justice, ce qui suppose de doter les juridictions de moyens humains dédiés, voire de créer une juridiction spécialisée ;

de rompre avec le “solutionnisme technologique” par des moyens humains supplémentaires à l’aide aux victimes de contenus haineux ou de pédopornographie et pornographie non sollicitée, seuls à même de leur garantir un accompagnement."

https://eelv.fr/loi-avia-ne-cedons-pas-a-la-tentation-de-la-censure-policiere-au-nom-de-la-lutte-contre-la-haine/?fbclid=IwAR3kC5wHOAgc0Jpe1xXVx38WuQkUmfKdBw8Ggt_Ljt6aK6utxRvZwcDusnk

 

Une pétition en ligne demandant le retrait de la loi :

 

http://chng.it/5MfJTYVmbB

 

 

 

 

13 sept. 2020 — 

Nous sommes près de 100.000 à avoir signé cette pétition contre la loi Avia. Le Conseil constitutionnel a quasiment intégralement censuré cette loi en juin 2020. Mais nous ne sommes pas dupes, cette loi qui est une grave atteinte à la liberté d'expression va revenir, nous restons prêts à agir.

En attendant, je vous invite à vous inscrire sur ce formulaire, qui informera (par SMS et/ou Mail) des prochaines mobilisations qui auront lieu.

Le lien : https://framaforms.org/infos-mobilisations-1591811701

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