Le temps est venu...d'arrêter d'être gentil avec Nicolas Hulot

Publié le par Henri LOURDOU

Le temps est venu...d'arrêter d'être gentil avec Nicolas Hulot

Le temps est venu...

d'arrêter d'être gentil avec Nicolas Hulot !

 

Plus je lis et je relis le pensum intitulé "100 principes pour un nouveau monde", plus je suis atterré... Surtout si je le mets en regard de l'interview qu'il donne en même temps au "Monde", qui lui accorde donc pas moins de 4 pages dans son n° daté 7-5-20.

Relevons-donc ce qui pose le plus problème :

"4.Le temps est venu de la lucidité

9.Le temps est venu de ne plus se mentir

30. Le temps est venu d'apprendre de nos erreurs

49. Le temps est venu de s'émanciper des politiques partisanes

50. Le temps est venu de s'extraire des idéologies stériles

72. Le temps est venu de ralentir

76. Le temps est venu de distinguer l'essentiel du superflu

82. Le temps est venu de revisiter nos préjugés

83. Le temps est venu du discernement

87. Le temps est venu de l'humilité"

Ces principes étant mis en rapport avec :

"J'ai eu un échange avec Bruno Le Maire, qui n'a pas pris pour argent comptant la lettre du Medef (début avril, le syndicat des patrons avait demandé à Elisabeth Borne, la ministre de la transition écologique et solidaire, "un moratoire sur les dispositions énergétiques et environnementales"- Note du "Monde"). "(...)

"Plaidez-vous toujours pour un changement institutionnel avec l'émergence d'une Vie République ?

Je ne sais pas s'il faut aller jusque-là mais il y a des révisions constitutionnelles qu'il faudrait faire à l'horizon de début 2021, issues des réflexions de la grande conférence à venir, sans attendre 2022. Au passage, je le dis d'ailleurs à ceux qui n'ont que la présidentielle à l'esprit : on s'en contrefiche de 2022 !"(...)

"Croyez-vous Emmanuel Macron capable de sortir de la politique "des petits pas" que vous aviez dénoncée, pour se montrer plus ambitieux dans sa politique écologique ?

Je veux y croire. Il a bien dit au "Financial Times" : "Il faut que les choses impensables deviennent pensables." Je dis chiche !"

 

Un tel degré de naïveté politique, pour quelqu'un qui a été ministre et a démissionné de son poste au bout d'un peu plus d'un an de peaux de bananes et d'atermoiements, relève de l'auto-aveuglement !

On ne peut le tolérer, car il sème la confusion . Et on doit l'analyser, car il révèle une conception dangereuse de la démocratie.

 

Confusion

 

Hulot, on l'avait déjà noté, ne comprend rien à la démocratie libérale et représentative qui est la nôtre. Comme il est en phase avec une partie croissante de l'opinion, à la recherche du Graal de la démocratie presse-bouton qui tranche les débats complexes avec des Référendums d'Initiative Citoyenne ou du tirage au sort, il ajoute de la confusion à la confusion.

 

Ainsi, avec ses "100 principes", il mélange tout et n'importe quoi sans rien articuler ni hiérarchiser, avec des formules à l'emporte-pièce qui relèvent davantage du catalogue de bons sentiments et de pseudo-préceptes moraux parfois délétères, que d'un véritable programme politique démocratique.

Et d'ailleurs, il nous le répète, il ne fait pas de politique, lui. En toute "humilité", il ne se prononce que sur le bien commun et l'intérêt général...Et pour le reste, il fait confiance à Emmanuel Macron, puisque c'est lui qui est à l'Elysée...et qu'il pousse la gentillesse jusqu'à l'écouter !

A quoi bon des partis (porteurs "d'idéologies stériles") et des élections ? Il suffit d'écouter Nicolas et tout ira bien !

C'est faire totalement l'impasse sur ses mésaventures passées. A-t-il été ministre ? On se le demande...A-t-il démissionné ? On a peine à s'en souvenir. Et pourquoi donc ? Il vaudrait peut-être la peine de le rappeler.

Toutes les promesses qu'il avait reçues en accédant à son poste, et qui se sont envolées aussitôt, les a-t-il encore en mémoire ?

Il est bel et bon de poser un certain nombre d'exigences (pour cela d'ailleurs, Nicolas le Moraliste, délègue la tâche à 9 comparses qui ont pour certains les mains un peu plus dans le cambouis que lui) encore faudrait-il s'assurer qu'il existe quelque part une majorité politique pour les porter. Et une majorité cela se constitue à l'occasion d'élections, les prochaines étant en 2022, ce dont, nous dit-il il se "contrefiche" ! Et cela pour une raison, dont on pourrait éventuellement douter, si l'on croit du moins à l'utilité de la démocratie, qui serait que l'on ne saurait attendre aussi longtemps.

Ainsi, Nicolas Hulot, comme les idéologues stériles qu'il prétend critiquer, nous dit qu'il n'y a plus rien à faire si l'on n'obtient pas les bonnes décisions dans les semaines et les mois qui viennent.

C'est le même Nicolas Hulot qui nous dit que "le temps est venu de ralentir" : il parle là bien sûr de nos déplacements physiques, mais pourquoi ce bon principe s'arrêterait-il à cela ? N'est-il pas tout aussi important de ralentir le rythme des prises de décision erratiques et sans perspectives de gouvernants enfermés dans le court-termisme et l'autocratie non délibérante ?

Le débat, structuré par les corps intermédiaires, associations, syndicats et partis, est fondamental dans une démocratie digne de ce nom...et il demande du temps !

C'est à travers ce débat que peuvent se construire des consensus ou des majorités de compromis.

On ne peut en faire l'impasse comme le fait Hulot en appelant au consensus spontané autour de ses propositions (que d'ailleurs il n'assume même pas, puisqu'il se contente de rester dans le ciel des "principes") et de la "bonne volonté" du pouvoir en place.

 

Mais il y a plus grave encore. Car ses fameux "principes" ne sont pas tous aussi consensuels et innocents qu'il y paraît...

 

Dangers

 

Je ne prendrai qu'un exemple : "76. Le temps est venu de distinguer l'essentiel du superflu"

Cela a l'air évident comme cela...Mais si l'on pose cela sur le plan politique : qui va déterminer (et comment) ce qui relève de "l'essentiel" et du "superflu" ? Mon "essentiel" est-il le vôtre et réciproquement ? Cette affirmation pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Et si l'on évite de poser ces questions, on risque d'en arriver à une forme de "police des moeurs" bien peu sympathique...

Mélanger la morale individuelle et la politique n'a jamais apporté rien de bon. C'est une des leçons essentielles que l'on peut tirer de toutes les entreprises de soi-disant "critique du libéralisme" depuis deux siècles.

Si l'on peut, à juste titre, appeler à la sobriété volontaire, il ne saurait être question de l'imposer.

 

Conclusion

 

Il en est de même de tous les voeux pieux contenus dans ces "100 principes".

La seule façon acceptable, à mes yeux, de les mettre en oeuvre est de créer les conditions politiques qui en facilitent l'application.

Et c'est déjà beaucoup.

Travaillons-y donc. Et espérons que Nicolas Hulot et ses amis nous y prêteront la main, au lieu de rester dans les leçons de morale sans effet, et la confusion "anti-politicienne" qui sape la démocratie au lieu de la renforcer.

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