Face à l'imprévu : faire preuve d'imagination

Publié le par Henri LOURDOU

Face à l'imprévu : faire preuve d'imagination

Face à l'imprévu :

Faire preuve d'imagination...

 

Cette brusque entrée dans la décroissance pose de multiples problèmes. Pas de naïveté : on sait bien que la croissance jouait un rôle indispensable d'huilage des inégalités et de limitation de la violence. Mais l'on devrait aussi savoir qu'elle accélérait la crise écologique globale qui risque à brève échéance de rendre la planète inhabitable.

D'où un dilemme apparemment insoluble, face auxquels chacun est tenté de trouver le "remède miracle".

 

Feue la croissance verte...

 

Pour certains, c'est le "changement de contenu de la croissance" qui doit devenir une "croissance verte".

Ainsi un éminent professeur de chimie au Collège de France, membre de l'Académie des Sciences, nous avait déjà alerté lors de la démission de Nicolas Hulot : "N'attendons pas de révolution écologique, avançons à petits pas" ('Le Monde", daté 4-9-18, p 21). Il revient aujourd'hui à la charge sous le titre : "Il n'y aura pas de transition énergétique et écologique sur un champ de ruines" ("Le Monde", daté 29-4-20, p 33).

Que nous dit-il en substance ? Que l'idéologie écologiste repose sur "trois principes fondamentaux, à la fois profondément faux et inopérants" (4-9-18)

Le premier que la catastrophe est imminente, le deuxième que chaque habitant de la planète serait déjà convaincu de la nécessité des changements nécessaires pour l'éviter, et le troisième que toutes les solutions technologiques appropriées pour cela seraient déjà disponibles.

Malheureusement pour l'honnêteté intellectuelle de son argumentation, il passe allègrement sur la réfutation du premier principe et ne répond que sur les deuxième et troisième qui sont à l'évidence discutables.

Tout cela pour aboutir bien sûr à la conclusion : seule une politique de petits pas sur la longue durée est réaliste. Autrement dit pour que tout change, il faut que rien ne change...

Ce préjugé bien installé revient donc sous une nouvelle forme avec la crise actuelle du Covid 19.

Avec la même conclusion : "La priorité est de retrouver rapidement (...) la croissance et l'emploi." Même s'il lui faut concéder pour cela la nécessité "hélas, de dépenses considérables (de l'Etat) et d'un endettement sans précédent".

 

Au risque de l'indisposer, il faut bien dire que ce remède est illusoire. Nous sommes "hélas" condamnés à la radicalité, et un nombre croissant de nos contemporains en prennent conscience. La question étant de définir bien évidemment son contenu et ses modalités.

 

En finir avec le déni de l'urgence écologique

 

Il faut tout d'abord rappeler, s'il en est encore besoin, que changer radicalement de mode de vie, de gouvernance politique et économique et sauver la biodiversité est urgent.

Déjà à l'automne 2018, le nouveau rapport du Giec concluait que "si nous n'agissons pas drastiquement pour réduire la consommation d'énergies fossiles, ce n'est plus à l'horizon de 2050 mais de 2030 que nous basculerons dans un monde incertain : au-delà de dix ans nous ne savons plus si nous pourrons bénéficier d'écosystèmes capables de soutenir nos sociétés, nos économies, nos démocraties." (Eloi Laurent, "Le Monde-Idées" daté 20-10-18, p 5)

Depuis, tous les rapports scientifiques concernant notamment l'effondrement de la biodiversité, sont devenus de plus en plus alarmants.

Il est urgent de changer radicalement de cap , que ce soit en terme d'agriculture ou de mobilités notamment.

 

L'illusion de la fuite en avant numérique

 

L'essor du télétravail, l'annonce du déploiement de la 5G et de la multiplication des objets connectés alimentent aujourd'hui l'illusion d'une croissance verte qui reposerait sur le tout-numérique.

Il faut résolument la combattre. Eloi Laurent résume bien l'enjeu : la technologie numérique induit "une accélération folle du présent (...) Or, ce malaise temporel entraîne une destruction supplémentaire de la coopération humaine. D'une part parce que les loisirs numériques fragmentent la continuité sociale et phagocytent le temps que nous passions naguère à rêver ou à penser. D'autre part, parce qu'il ne peut y avoir de projet commun s'il n'y a plus d'horizon collectif : un contrat social, quel qu'il soit suppose de se projeter dans l'avenir.

Comment sortir du piège ? En opérant un retournement de l'imaginaire. En cessant de penser que l'écologie est le problème et le numérique la solution. C'est exactement le contraire. En atrophiant les relations sociales, en nous faisant vivre dans l'instantanéité permanente, le numérique constitue une entrave à la coopération comme quête de connaissances partagées. Si l'on veut mener la guerre pour le temps long, accélérer la transition écologique et retrouver des horizons au-delà de 2030, il faut donc décélérer la transition numérique." ("Le Monde-Idées" daté 20-10-18, p 5).

 

Se réapproprier le temps

 

C'est tout l'enjeu démocratique de ce confinement et de sa sortie. Si nous ne reprenons pas le contrôle temporel sur nos vies pour réfléchir vraiment à ce qui doit changer pour préserver des conditions dignes d'existence pour tous , ce temps de confinement aura été du temps perdu.

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