Philippe SANDS Retour à Lemberg

Publié le par Henri LOURDOU

Philippe SANDS Retour à Lemberg

Philippe SANDS

Retour à Lemberg

Le Livre de Poche, n°35508, septembre 2019, 760 p.

Titre original : East West Street – On the origins of "genocide" and "crimes against humanity".

Traduit de l'anglais (Albin Michel, 2017) par Astrid Von Busekist,

avec une postface originale à l'édition originelle de 2016.

 

Aux origines du droit humanitaire international.

 

Ce livre multidimensionnel a principalement l'intérêt d'éclairer l'origine de deux concepts fondamentaux du Droit international, apparus en 1946 lors du procès de Nuremberg : celui de "crime contre l'humanité" et celui de "génocide".

 

Mais il est également un enquête passionnante sur un monde disparu à travers celle sur le grand-père de l'auteur, qui croise, ce n'est nullement un hasard, celle sur les deux créateurs de ces concepts. Je laisserai cependant cet aspect de côté dans ce compte-rendu, malgré leur intérêt , ainsi que l'histoire familiale de l'auteur, et celle d'un des principaux accusés de Nuremberg, Hans Frank, ancien chef du Gouvernement général de la Pologne occupée.

En effet, le grand-père de l'auteur, Leon Buchholz, tout comme Hersch Lauterpacht, l'inventeur du concept de "crime contre l'humanité", et Raphael Lemkin, l'inventeur du concept de "génocide", ont tous les trois grandi et habité à Lemberg, devenue depuis Lwów, Lvov puis Lviv, ville de Galicie peuplée de Polonais, d'Ukrainiens et de Juifs.

Leur histoire commune commence vers 1900 dans l'Empire austro-hongrois. Et l'enquête par une conférence sur les origines du droit international que l'auteur, avocat anglais spécialisé dans le sujet, est appelé à faire à l'Université de Lviv (Ukraine) à l'automne 2010.

C'est à cette occasion qu'il fait le rapprochement entre son grand-père français mais né à Lviv en 1904, et les deux concepteurs de ce droit dont il découvre qu'ils ont tous deux étudié le Droit à l'université de Lviv (alors Lwów) dans les années 1915-1919 pour Lauterpacht (né en 1897) et 1921-26 pour Lemkin (né en 1900).

 

Un monde disparu : Lemberg la cosmopolite

 

C'est à travers l'ouvrage d'un poète polonais, Josph Wittlin, Mój Lwów, écrit en 1946, et traduit en espagnol et en allemand, que Philippe Sands découvre ce que fut alors cette ville.

C'est l'occasion de souligner qu'un premier épisode annonciateur de la catastrophe future y éclate en novembre 1918 : des combats entre Polonais et Ukrainiens, entre lesquels les Juifs font office de bouc-émissaires, au point que le président Wilson, alerté par des articles du "New York Times", monte une commission d'enquête internationale.

Cependant, Wittlin célèbre la coexistence : "Une harmonie régnait parmi mes amis bien qu'ils appartinssent à des ethnies différentes, fussent à couteaux tirés et professassent des opinions et des fidélités différentes" (p 36).

 

Mais cet épisode a eu à l'évidence un rôle fondateur dans la réflexion d'Hersch Lauterpacht. Il est donc nécessaire d'y revenir.

Le point de départ est la prise de pouvoir militaire des Ukrainiens sur la ville le 1er novembre 1918 et leur décision d'en faire, sous le nom de Lviv, la capitale d'une éphémère République populaire d'Ukraine occidentale.

Les Polonais habitant la ville répliquèrent d'autant plus que la Pologne venait, le 11 novembre, de proclamer son indépendance.

Quelle fut l'attitude de la communauté juive lors de ces "combats féroces (qui) opposèrent les factions polonaise et ukrainienne ?"

L'auteur n'est pas très clair sur ce point : "Les Juifs se retrouvèrent coincés entre les deux camps, craignant, s'ils optaient pour la neutralité, de choisir le mauvais côté, celui des perdants." (p 134) Cette formulation pour le moins sibylline semble indiquer implicitement qu'ils ont choisi le côté ukrainien... Cela n'excuse rien, mais peut sans doute expliquer les pogroms qui se sont déchaîné lorsque les Polonais eurent pris l'avantage, dans les trois jours suivant le cessez-le-feu. Et ce fut apparemment terrible : "1 100 Juifs assassinés dans les pogroms de Lemberg" titre le New York Times le 30-11-18 en demandant au président Wilson d'intervenir. On reviendra sur ce bilan humain.

 

Comment protéger les minorités dans un monde nationaliste

 

Ce moment nationaliste de l'éclatement d'un empire multinational, qui fut réexpérimenté lors de la chute de l'URSS, était alors une première.

La spécificité de ce moment et de ce lieu est que la forte présence de la minorité juive en Galicie et dans tout cet espace Est-européen en fait un bouc-émissaire.

"Au sein de la population juive, on assista à des réactions diverses. La communauté orthodoxe, antinationaliste, espérait une vie tranquille aux côtés des Polonais et des Ukrainiens; d'autres souhaitaient la création d'un État juif indépendant quelque part dans l'ancien Empire austro-hongrois; d'autres encore voulaient une plus grande autonomie pour les Juifs dans la Pologne nouvellement indépendante; tandis que, pour les sionistes, un État juif autonome en Palestine était la seule solution." (p136)

Ainsi, "l'évolution intellectuelle de Lauterpacht coïncida avec ce moment déterminant. Engagé du côté du sionisme, il craignait pourtant le nationalisme. Le philosophe Martin Buber, qui vivait et enseignait à Lemberg, devint sa référence intellectuelle. Ce dernier s'opposait au sionisme, qui exprimait selon lui une forme déviante du nationalisme, et il pensait que l'établissement d'un État juif en Palestine opprimerait inévitablement la population arabe; Lauterpracht, qui suivait les cours de Buber, se sentit proche de ces idées." (p 137)

Pendant ce temps, à Versailles, la négociation des traités bat son plein. Un dernier pogrom commis à Pinsk, par un groupe de soldats polonais qui massacrèrent trente-cinq civils juifs, fit pencher la balance : Wilson exigea un traité sur la protection des minorités en Pologne, garantie donc par des puissance étrangères, en échange de l'indépendance de cet État. Malgré les protestations du gouvernement polonais, celui-ci est obligé de céder (p 141-2).

Une commission internationale d'enquête est envoyée à Lwów-Lemberg en août 1919 : elle établit que le quartier juif y a bien été incendié, mais que le nombre de morts est très loin des 1100 annoncés par le New York Times : il est de 64 ; par ailleurs les meurtres ont été commis par des soldats, non par les civils de la ville, ce qui exonère celle-ci de cette responsabilité (p 143).

 

La réponse de Lauterpacht : les droits inaliénables de l'individu

 

Hersch Lauterpacht a quitté Lemberg au printemps 1919 et, à 21 ans, est devenu traducteur pour la commission préparant le futur traité de Versailles. Puis il s'installe à Vienne, où il poursuit ses études de droit. Il est alors l'élève de Hans Kelsen, le père de la future Constitution autrichienne. Lequel lui transmet l'idée, alors révolutionnaire, que "les individus possèdent des droits constitutionnels inaliénables et peuvent les faire valoir devant une cour de justice. C'était un modèle de protection des minorités différent de celui qui avait été appliqué en Pologne, par la considération de l'individu plutôt que du groupe, par l'application nationale plutôt qu'internationale. Ces deux différences cruciales influencèrent la pensée de Lauterpacht." (p 147)

Par ailleurs, celui-ci poursuit ses études en entamant une thèse de doctorat sur la nouvelle Société Des Nations. Il obtient en juillet 1922 le titre de "docteur en sciences politiques" avec la mention "excellent", bien qu'un de ses deux directeurs de thèse soit un antisémite virulent (p 148). Il décide d'émigrer à Londres, où sa jeune épouse souhaite suivre des cours au Royal College of Music, en avril 1923 et s'y inscrit à la London School of Economics and Political Sciences (LSE) en octobre, "après avoir échoué à se faire nommer à la chaire de droit international de Lwów" (p 152). Il acquiert la langue anglaise, qu'il ne maîtrisait qu'à l'écrit, en quelques semaines, à la grande admiration de son professeur Arnold Mc Nair (p 153). Il obtient sous sa direction un 3e doctorat où il explore les liens entre droit privé et droit international. Il creuse ainsi le sillon qui sera désormais le sien : la promotion des droits de l'individu au niveau international. Il s'agit bien de remettre en cause le caractère indépassable du droit interne à chaque État, en s'appuyant sur les éléments de ce droit interne communs aux différents États, pour contester éventuellement leur pouvoir respectif. C'est la base du concept de "crime contre l'humanité" qu'il va inlassablement promouvoir.

Sa thèse, publiée en mai 1927, reçoit un accueil chaleureux et lui ouvre les portes de l'enseignement à la LSE comme maître de conférence en septembre 1928.

Dès lors sa vie et sa carrière vont entièrement se dérouler au Royaume-Uni.

 

La réponse de Lemkin : le droit des groupes à défendre leur existence

 

Etudiant, on l'a vu dans la même université que Lauterpacht, mais avec un décalage de cinq ans dû principalement à leur différence d'âge, Lemkin est marqué par d'autres événements que lui.

Dans ses mémoires, il signale ainsi l'importance pour lui du procès de Soghomon Tehlirian en juin 1921, "trois mois avant le début de ses études"(p 262).

Ce procès, tenu à Berlin, juge l'assassinat de l'ex-ministre du gouvernement ottoman Talaat Pacha "pour venger le meurtre de sa famille et des Arméniens d'Erzurum, sa ville natale" (ibidem).

L'avocat du jeune homme "avait joué la carte de l'identité de groupe, et fait valoir que l'accusé avait vengé la "grande et patiente" famille des Arméniens." (ibid.)

Il produit comme témoin un missionnaire protestant allemand accusant "les Turcs d'avoir fomenté le massacre des Arméniens en 1915".(ibid.)

Le juge avait demandé au jury d'acquitter Tehlirian et été suivi par lui.

Ce jugement avait provoqué de nombreux débats, et notamment à l'université de droit de Lwów.

Pour Lemkin Tehlirian avait "agi de manière juste", mais cette affirmation se heurtait à l'état du droit concernant la souveraineté absolue des États.

Comment sortir de cette contradiction ? Aux objections de ses professeurs, il répond : "Dans le cas de Tehlirian, c'est donc un crime d'abattre un homme,mais ce n'en est pas un lorsque le même homme en tue un million ?"(p 264).

L'échange en était resté là.

En 1926, au moment où Lemkin termine ses études, un second procès repose la même question.

Il s'agit de celui de l'assassin de Symon Petliura, Samuel Schwartzbard, à Paris. Celui-ci prétendait à son tour "venger les meurtres de Juifs de Russie, semble-t-il ordonnés par Petliura"(p 275) en 1918 lorsqu'il était le président de la République populaire d'Ukraine occidentale.

Ici le témoin produit par la défense est une infirmière de la Croix rouge ukrainienne attestant avoir assisté en février 1919 à un pogrom où "les soldats assassins de Petliura perpétraient les tueries au son d'un orchestre militaire. "( p 276)

Le jury déclare Schwarzbard "non coupable".

Lemkin, qui a suivi le procès de près, bien qu'étant à Varsovie, où il poursuit une carrière dans l'administration de la Justice de l'État polonais, est partagé sur ce verdict : il donne raison au jury d'avoir épargné Schwarzbard, mais considère qu'il n'avait pas à se faire justice lui-même.

Il en conclut donc à nouveau qu'il faut trouver l'instrument de droit permettant de protéger les groupes persécutés.

Il participe donc aux efforts de la Société Des Nations "pour développer le droit pénal; il (assiste) à des conférences et (constitue) un réseau de contacts à travers l'Europe." (p 277)

Dans ce cadre, il rédige au printemps 1933 un "court texte proposant de nouvelles règles internationales qui permettraient d'interdire "la barbarie" et le "vandalisme". Selon Lemkin, celles-ci étaient d'autant plus nécessaires que les attaques contre les Juifs et les minorités se multipliaient dans l'ombre de Hitler." (ibid.)

Son texte "fut publié par Pedone, une maison d'édition située rue Soufflot à Paris, l'éditeur officiel de la Société des Nations." (p 278)

Mais, suite à des pressions, le gouvernement polonais lui interdit de participer à la conférence internationale de Madrid où il comptait défendre son idée.

Très rapidement les choses dégénèrent : l'Allemagne sort de la SDN, la Pologne signe un pacte de non-agression avec elle et dénonce le Traité des minorités de 1919, et Lemkin est violemment attaqué par la presse nationaliste. Il démissionne de ses fonctions de procureur. Nous sommes fin 1933.

Devenu avocat, Lemkin continue à publier des livres et à développer ses contacts internationaux. Pris au dépourvu par la guerre, il se réfugie à Vilnius sous contrôle soviétique et obtient un visa pour la Suède en mars 1940. Son séjour forcé dans ce pays est mis à profit pour recueillir un maximum de décrets et ordonnances nazis, jusqu'au moment où il reçoit de son correspondant américain, le professeur McDermott, l'offre "d'un poste d'enseignant en Caroline du Nord, ainsi qu'un visa." (p 295) en février 1941.

Son analyse des décrets et ordonnances nazis le confirme dans l'idée qu'il s'était déjà faite , notamment à la lecture de "Mein Kampf" : leur projet est bien d' "entièrement transformer la structure de la population européenne, et cela pour mille ans" et de faire "disparaître (complètement) certaines nations et races" (p 304) ainsi qu'il l'explique au colonel Archibald King, un juge militaire haut placé, chef de la division des plans de guerre de l'armée au bureau du juge-avocat-général." (ibid.) en juin 1941 à Washington.

Au printemps 1942, après un an passé à Durham (Caroline du Nord) comme enseignant, fort de ces contacts et de ses recherches, il reçoit la proposition d'un "poste de consultant au Board of Economic Warfare (Conseil de Guerre Économique) à Washington DC", ce qui "lui assura un accès direct aux hautes sphères de la vie politique américaine." (pp 309-10)

C'est ainsi qu'il parvient, malgré le scepticisme de nombreuses personnes autour de lui, à faire parvenir un mémo à Roosevelt lui proposant "un traité faisant de la protection des groupes un objectif de la guerre, et destiné à envoyer un avertissement à Hitler." (p 311)

Il reçoit au bout de quelques semaines une réponse négative : "Soyez patients, disait-on à Lemkin, un avertissement viendra, mais pas tout de suite." (p 312)

Malgré cet échec, il décide de persévérer en changeant de tactique. Il décide de faire appel directement à l'opinion publique en publiant un livre.

Il s'appuyait pour cela sur la "déclaration de Saint-James " et ses suites https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_du_palais_de_Saint-James

Comme le rappelle le site de l'ONU : " Le 12 juin, les représentants du Royaume-Uni, du Canada, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l'Afrique du Sud, et ceux des gouvernements exilés de la Grèce, de la Belgique, de la Tchécoslovaquie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Pologne, de la Yougoslavie, ainsi que le représentant du général de Gaulle, au nom de la France libre, se réunissaient au vieux palais de Saint-James et y signaient une déclaration. (...) Signée à Londres le 12 juin 1941, la Déclaration du palais de Saint-James a été le premier d'une série de documents qui ont abouti à la fondation des Nations Unies." https://www.un.org/fr/sections/history-united-nations-charter/1941-declaration-st-james-palace/index.html

Ainsi, en octobre 1942, Roosevelt déclara que les "criminels de guerre" seraient jugés et qu'une commission d'enquête des Nations unies sur les crimes de guerre était en cours de création à cet effet (p 313).

Lemkin cependant travaille d'arrache-pied à son livre : il veut fournir les preuves de ce qui est en train de se commettre en s'appuyant sur les décrets et ordonnances-mêmes des nazis qui continuent à lui parvenir par ses contacts suédois. Il lui faudra un an pour en venir à bout.

"Axis rule" paraît en novembre 1943 : c'est un pavé de 700 pages qui ne deviendra jamais un bestseller. Cependant, c'est dans cet ouvrage qu'il introduit le terme de "génocide" pour remplacer ceux qu'il utilisait jusque-là de "barbarie et vandalisme" (au chapitre IX auquel il donne ce titre) : "Le terme était choisi en réaction contre le "plan gigantesque" des Allemands visant à transformer l'identité génétique de la population des territoires occupés de manière permanente." (p 317).

 

Procès de Nuremberg : la mise en pratique des deux concepts

 

C'est pour moi la partie la plus passionnante du livre (p 455-610) . Car elle révèle tous les débats qui ont eu lieu autour de ce procès hors-normes, et qui restent encore actuels.

En effet, les premiers opposants à l'usage du concept de "génocide" furent, au sein du comité réuni à Londres dès l'été 1945 pour préparer le futur procès de Nuremberg, les Britanniques, les Français et certains Américains (p 329). Pourquoi ?

Il n'est pas indifférent que ce concept pût ouvrir une porte sur la remise en cause de la colonisation européenne et la façon dont elle s'était déroulée. En 1945 encore, la ségrégation raciale est en vigueur aux États-Unis, et les Indiens survivants confinés dans leurs réserves. (p 489) Les Empires britannique et français sont à leur apogée...

Malgré cela, grâce au tenace plaidoyer de Lemkin, le mot est introduit grâce à l'appui du procureur américain Robert Jackson, et à Sidney Alderman, membre de son équipe. (p 329)

Moins de problème avec le "crime contre l'humanité".

Leur caractère contradictoire me semble artificiel : il me semble qu'ils se complètent harmonieusement, si on veut bien les hiérarchiser et les relier par le concept de "discrimination".

A la base se trouvent les droits humains universels : c'est leur violation qui constitue le "crime contre l'humanité" dont le "génocide" ne constitue qu'une modalité qui se met en place à travers des "discriminations".

Cependant, il est paradoxal de constater que si l'ONU a mis en place le 9 décembre 1948 une "Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide", à l'initiative de Lemkin, ce n'est qu'une simple "Déclaration", non opposable en droit, qui fut adoptée le lendemain pour proclamer l'Universalité des Droits Humains, à la grande déception de Lauterpacht (pp 612-3).

Là est le travail qui reste à accomplir. Rendre les Droits humains universels opposables aux Etats qui ne les respectent pas. Ce combat avance depuis, à travers notamment la mise en place de la Cour Pénale Internationale (Statut de Rome de 1998, p 614)  et de la compétence universelle de certaines Justices nationales. En 2015, nous dit l'auteur (p616) la  "Commission internationale des lois des Nations unies a commencé à travailler activement sur la question des crimes contre l'humanité , avec pour perspective la rédaction d'un document analogue à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide" : suivons en attentivement le cheminement et éclairons-le.

Voir le dernier rapport (2019) de la Commission : https://legal.un.org/ilc/

A noter que Hersch Lauterpacht fut membre de cette commission de 1952 à 1954.

Une dernière remarque critique sur ce livre par ailleurs remarquable. L'auteur, déplorant les dérives auxquelles a donné lieu l'usage du concept de "génocide", constate, comme chacun de nous, la montée actuelle des nationalismes. Mais hélas, loin de chercher à en analyser les causes en profondeur, il se rallie à l'idée fataliste des "sociobiologistes" que le nationalisme serait en quelque sorte inscrit dans nos gènes. Citant le principal théoricien de ce courant, par ailleurs fortement contesté sur le plan scientifique, il n'hésite pas à écrire : "L'idée que "les gens se sentent contraints d'appartenir à un groupe, et une fois qu'ils en font partie, de le considérer comme supérieur aux groupes concurrents" semble être la caractéristique fondamentale de la nature humaine." (p 618)

Il serait ici trop long d'analyser tous les éléments contestables de cet ensemble d'affirmations ("groupes concurrents", "nature humaine", entre autres).

Qu'il suffise de renvoyer à l'ouvrage d'Amin MAALOUF "Les identités meurtrières" et à son idée-force : nous sommes des multi-appartenants à des groupes multiples, et notre identité réelle est faite de cette multi-appartenance. La mono-appartenance est une situation artificielle, dont il faut combattre toujours et partout les tentatives de mise en place, qui sont toujours le fait de courants et de groupes précis.

 

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