Pour l'interdiction des armes nucléaires

Publié le par Henri LOURDOU

Pour l'interdiction des armes nucléaires

La France et le traité d'interdiction des armes nucléaires :

La réalité des faits et les limites de la rhétorique.

 

Les faits :

La France est l'une des 5 puissances nucléaires offcielles (Etats-Unis, URSS devenue Russie depuis, France, Royaume-Uni et Chine) qui ont signé le Traité de Non-Prolifération nucléaire de 1968, dans lequel elles s'engageaient à entrer dans un processus de désarmement nucléaire.

Le non-respect persistant de cet engagement a justifié la prolifération de fait de cette arme : 5 nouveaux pays s'en sont doté depuis, Israël, l'Inde, le Pakistan, l'Afrique du Sud et la Corée du Nord.

Un seul, l'Afrique du Sud, y a ensuite renoncé . Par contre l'Iran s'est engagé dans le processus d'acquisition de cette arme de destruction massive.

Devant cette menace aggravée du risque nucléaire, 117 pays membres de l'ONU ont initié et conclu en 2017 un Traité d'Interdiction des armes nucléaires (Tian) qui a pour but d'éliminer progressivement cette arme, dans un cadre multilatéral et contrôlé collectivement.

Ce traité est en cours de ratification et 35 Etats l'ont déjà ratifié. A partir de 50 Etats, ce traité deviendra applicable et fera partie du Droit international reconnu.

 

La France, tout comme les Etats possesseurs de cette arme, et notamment les signataires du TNP, se refuse à signer et ratifier ce traité.

Elle a même, dans sa loi de Programmation militaire et son livre blanc de la Défense, prévu de relancer ses dépenses d'armement nucléaire : elles sont estimées pour les 10-15 ans qui viennent à un montant compris entre 70 et 100 milliards d'euros.

 

Les limites de la rhétorique :

Dans un discours récent, prononcé le 6 février 2020 à l'Ecole de Guerre, le Président de la République a "réactualisé la doctrine française en matière d'armement nucléaire".

Ce morceau de rhétorique voudrait nous convaincre que posséder cette arme est indispensable pour la sécurité du pays et de l'Europe.

Malheureusement, il comporte de graves limites.

 

La première relève du pur mensonge. Le président fait mine de croire que la signature du Tian par la France l'engagerait dans un processus de désarmement unilatéral...alors que le sens de ce traité est tout à l'opposé la création d'un cadre multilatéral, collectif et contrôlé de désarmement.

 

La deuxième relève d'une perception erronée de la réalité historique. Le président semble persuadé que nous sommes dans un processus d'augmentation de la violence mondiale, alors qu'au contraire, malgré des poches persistantes de violence extrême (alimentées d'ailleurs par les ventes d'armes de pays tels que la France, comme au Yémen), notre monde n'a jamais été aussi pacifique et le refus collectif de la violence par la population plus haut. Le sensationnalisme médiatique est à l'origine de cette fausse perception : si elle est largement répandue, un responsable politique, a priori mieux informé, ne devrait pas céder à la tentation démagogique d'aller dans le sens de la peur ainsi provoquée, apparemment dans le seul but de gagner, ou d'arrêter de perdre, des voix aux élections.

 

La troisième est de croire ou de faire croire que la possession de l'arme nucléaire aurait un effet dissuasif qui éviterait " la violence ou le chantage". En témoignent les différentes vagues d'attentats qui touchent indifféremment les pays dotés ou non de cette arme. Aujourd'hui le véritable chantage sur la souveraineté d'un pays s'exerce davantage par l'arme économique que par l'arme nucléaire, comme commencent à le montrer les effets de l'épidémie de coronavirus en Chine.

 

La quatrième enfin est le poids financier de l'entretien d'un tel arsenal pour un pays comme la France, à l'heure où de nouveaux défis se profilent. Alors que la transition écologique exigée par l'urgence climatique appelle des investissements énormes de la puissance publique, est-il raisonnable de gaspiller l'argent public dans ce dispositif à l'efficacité douteuse ?

 

Pour toutes ces raisons, la France devrait au contraire ratifier le Tian et s'engager dans le désarmement nucléaire, donnant ainsi l'impulsion nécessaire à un processus d'intérêt mondial où elle jouerait enfin un rôle historique à la mesure de ses grands principes.

 

Et ceci d'autant plus que l'UE, comme le rappelle son "haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune" Josep BORRELL a pour "objectif principal (...) la poursuite du désarmement nucléaire, conformément au traité sur la non-prolifération (TNP). " ("Le Monde", daté 12-2-20, p 4)

On apprend que, malgré toutes les pressions en sens contraire, deux États au moins de l'UE, l'Autriche et l'Irlande, sont en position de ratifier le Tian, ayant voté fin 2016 la directive de l'ONU ayant donné naissance à ce traité...

Publié dans politique

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