Retraites : convergence des luttes ou convergence des buts ?
Convergence des luttes ou convergence des buts ?
Alors que les sectes millénaristes d'extrême-gauche redoublent leurs incantations à la "convergence des luttes", et qu'une Gauche provisoirement réunie incite pareillement à pousser les feux de l'opposition à la réforme des retraites du gouvernement Philippe, faut-il donc se joindre au choeur en entonnant ce refrain ?
Je préfère quant à moi opter pour la convergence des buts dont on doit la formule à l'ex-secrétaire d'EELV, David CORMAND.
Et je note que, selon le flash d'info de France Culture de ce matin 11 décembre à 6h30, le nouveau secrétaire d'EELV Julien BAYOU qui proposait à la Gauche réunie du meeting de Saint-Denis la négociation immédiate d'une Proposition commune de réforme des retraites pour le mois de janvier s'est aussitôt fait tacler par Eric COQUEREL de La France Insoumise qui a clairement fait comprendre qu'il n'en était pas question.
On en est en effet encore loin...
Et pour commencer, sur la réforme des retraites, il va d'abord falloir commencer par s'entendre sur l'idée d'un régime universel, avant de discuter des formes qu'il prendra...et de son financement, comme a osé le dire ce soir-là Olivier FAURE pour le Parti Socialiste.
Pour un régime universel de retraite ou pas ?
Faut-il donc rappeler que c'était l'idée de base de 1945 qui a préparé les lois de création de la Sécurité Sociale en France ? Qu'en fut-il en réalité ?
Voici les principaux extraits de l'historique de l'article Wikipédia "Retraite en France" :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Retraite_en_France#R%C3%A9formes_des_retraites_apr%C3%A8s_1945
"Les ordonnances de 1945, n'interdisent pas la liquidation de la retraite à 60 ans, mais repoussent dans les faits l'âge normal du départ à 65 ans. En effet, le montant de la pension est égal à 20 % du salaire annuel de base pour l'assuré ayant cotisé 30 années, mais peut « bonifier » ce montant de 4 % pour toutes les années supplémentaires travaillées entre 60 et 65 ans. Il s'agit alors de maintenir le maximum de travailleurs en activité pour gagner la bataille de la production. En 1948, 63 % des plus de 65 ans touchent un revenu de vieillesse qu'ils baptisent « retraite ».
En matière de retraite, l'œuvre de René Belin (la répartition) est conservée, mais les systèmes professionnels reprennent leur autonomie. Il en résulte le développement de quantités de régimes différents ; les plus riches (notaires par exemple) auront les moyens de prélever des cotisations élevées, permettant de verser relativement tôt (à 60 voire 55 ans) des pensions relativement élevées ; d'autres (industries sous monopole d'état notamment : SNCF, EDF, mines…) obtiendront le même résultat par une participation massive de leur employeur ; d'autres enfin, par choix ou manque de moyens, ne mettront en place que des cotisations faibles ne permettant de financer que des pensions tardives et faibles, voire misérables (commerçants, agriculteurs)."
Ce petit rappel historique (qu'il faudrait élargir en amont et en aval : voir l'article cité) n'est pas inutile pour les personnes convaincues que le statu quo a toujours existé et que cet "âge d'or" tombé du ciel est aujourd'hui menacé par tout changement...quel qu'il soit !
Toujours est-il que ce système toujours en mouvement est devenu au fil du temps complètement opaque en terme de comparaisons entre régimes, tout en sollicitant sans cesse davantage la comparaison en raison de la multiplication des "polypensionnés" qui, du fait de carrières non linéaires, ont cotisé à des régimes différents...
Par ailleurs, la tendance lourde à la solidarité généralisée pousse aux compensations entre régimes pour assurer le versement de pensions comparables à tou-te-s .
A ce double titre la question du régime universel doit être posée.
De ce point de vue, les défenseurs du maintien des "régimes spéciaux" doivent impérativement clarifier leur position.
C'est un pré-requis à tout débat sérieux.
Quel régime universel ?
Une fois acquis le consensus sur le principe d'un régime universel, le débat peut s'ouvrir.
La position de la CFDT est celle d'un régime à points comportant la prise en compte des accidents de la vie et des carrières interrompues de ce fait (maladie, chômage, maternité, etc.) et de la pénibilité du travail (objectivée par des critères mesurables), avec un minimum garanti égal au Smic pour une carrière complète.
Ces objectifs impliquent de mettre en face les ressources nécessaires pour les garantir. Et c'est ici qu'en réalité le débat commence.
Car, n'en déplaise aux tenants d'un "système à prestations définies" qu'ils opposent au "système à points" car celui-ci ne garantirait pas un "taux fixe de remplacement du revenu d'activité", ce dernier, actuellement en vigueur, n'a rigoureusement pas empêché la dégradation du revenu des retraités.
Et ceci à travers diverses mesures "paramétriques" que tout le monde a appris à connaître : l'allongement de la durée de cotisation, la prise en compte des 25 meilleures années au lieu des 10 meilleures pour le calcul de la pension du régime général et l'indexation des pensions sur les prix et non plus les salaires, et le gel du point d'indice des traitements pour les fonctionnaires (dont la pension est toujours cependant calculée sur le traitement des 6 derniers mois...). Mesures auxquelles il faut ajouter le recul de l'âge légal de départ de 60 à 62 ans, et la mise en place de la décote pour les carrières incomplètes. Tout cela, répétons-le, dans le cadre d'un "système à prestations définies".
Il n'y a donc pas de "régime miracle". Et le régime à points ne l'est pas davantage !
Pourquoi alors opter pour lui ? Pour une simple raison de transparence. Même s'il ne sanctuarise pas le niveau des pensions de retraite, il permet de débattre en toute clarté des sacrifices à faire en cas de non-financement des pensions : le débat ne portera que sur un seul sujet, la valeur du point, et non sur différents paramètres dont on peine à mesurer les effets réels sur qui ils touchent et comment (qui sait par exemple que la dégradation du niveau des pensions est principalement due à l'indexation sur les prix au lieu des salaires et non aux autres mesures pourtant plus commentées ?). D'où le blocage total de la CFDT sur la mise en place de l'âge-pivot de 64 ans pour calculer une nouvelle forme de décote.
S'entendre ne serait-ce que sur ce point (!) constituerait un grand pas en avant dans le rassemblement à construire pour offrir une alternative crédible au macronisme...
PS : Malheureusement, je lis sur les réseaux sociaux des propos incendiaires qui commencent déjà à accuser la CFDT de se préparer à "trahir le mouvement". Ce qui me conduit en guise de réponse à recopier deux définitions du dictionnaire :
"Amalgame" : "Mélange d'éléments divers et souvent opposés dont on fait un tout"
"Bouc-émissaire" : "personne rendue responsable de toutes les fautes, de tous les torts".