Contre la société de surveillance
Avec Mireille DELMAS-MARTY
Contre la société de surveillance
pour une Résistance globale basée sur les Droits humains.
De la "vigilance" prônée par le Président de la République vis-à-vis des "signaux faibles" de "radicalisation islamiste", suite aux terribles meurtres commis à la Préfecture de police de Paris à la surveillance doublée de méfiance généralisée et de stigmatisations débouchant sur des discriminations, la marge est étroite et vite franchie.
D'autant que cette prise de position s'inscrit dan sun contexte de déconstruction accélérée de l'État de droit.
C'est ce que rappelle avec pertinence la juriste Mireille DELMAS-MARTY dans "Le Monde" daté 25-10-19.
Cette voix s'ajoute à d'autres pour construire la résistance aujourd'hui nécessaire à un "air du temps" plus que menaçant. Faut-il ajouter qu'il ne s'agit plus seulement de climat intellectuel, tel que le dénonçait prémonitoirement, dès 2002, Daniel LINDENBERG dans son "Rappel à l'ordre", mais à présent de pratiques réelles qui détruisent des vies innocentes ?
La disproportion manifeste des réponses policières aux manifestations de Gilets Jaunes n'est que la partie émergée de l'iceberg.
C'est tout le rapport de notre société au Droit qui est impacté.
Quand des juges en viennent à ne plus pouvoir dire le Droit sous peine d'être menacés, ou, pire, à énoncer des verdicts non conformes au Droit, sous la pression du pouvoir politique ou d'une partie de la société, alors il est temps de s'inquiéter pour l'avenir de la paix civile.
Et quand nous parlons de Droit, nous ne parlons pas de la lettre de la loi, par définition évolutive et interprétable, mais bien de l'esprit des lois tel qu'il s'est construit sur la base du principe du respect des Droits humains fondamentaux.
Cela ne peut qu'inciter les défenseurs de ce principe à résister à des verdicts iniques, et cela introduit une division accrue de la société que le Droit avait pourtant pour vocation de réunir autour de règles communes.
La violence dès lors n'est pas loin, et avec elle tout le cortège des bas instincts qui réintroduit la Loi du plus fort au détriment de la justice.
Mais il est un autre danger, souligné par Mireille DELMAS-MARTY, c'est celui du détournement du Droit au profit d'une surveillance généralisée parfaitement légale au profit d'intérêts privés.
Cette voie d'un "capitalisme de surveillance" allié au pouvoir politique c'est celle des noces monstrueuses des Gafam avec Xi JIN-PING : celle d'une normalisation des comportements dans le cadre d'un consumérisme exacerbé.
Un modèle que Philip K.DICK lui-même, dans sa paranoïa prémonitoire, n'aurait pas imaginé.
Heureusement, le pire n'est jamais sûr.
C'est ce que nous disent les jeunes révoltés de Hong-Kong, de Khartoum, d'Alger, de Beyrouth, de Bagdad, de Santiago, de Téhéran et d'ailleurs, après ceux de Tunis, du Caire, de Damas et d'Istanbul. En attendant ceux de Delhi, de Rio...et d'Europe ou d'Amérique du Nord.
Dans notre monde globalisé, le combat est lui aussi global. Et son avant-garde est aujourd'hui passée au Sud. Son drapeau est plus que jamais celui des Droits humains universels de plus en plus indissociables du refus de la catastrophe écologique.
Un combat d'autant plus vital que, comme le soulignent dans ce même n° du "Monde" daté 25-10-19, deux autres contributeurs, les techniques en cours d'expérimentation accélérée de reconnaissance faciale sont en voie d'être légalisées chez nous par un pouvoir obsédé par l'idée de "suivre le mouvement" pour rester dans la course, sans plus de réflexion.
Ainsi Martin DRAGO, juriste au sein de la "Quadrature du Net" , association de défense des libertés fondamentales dans l'univers numérique, et Félix TRÉGUER, chercheur au CERI de Sciences Po, nous alertent sur l'enjeu : "Si nos grands-mères et nos grands-pères avaient dû vivre au début de années 1940 dans un monde saturé de tels dispositifs, ils n'auraient pas pu tisser des réseaux clandestins capables de résister au régime nazi". Même si cette formulation nous semble excessive, elle permet de souligner que les conditions de la résistance à l'oppression et à l'injustice changent radicalement. Et qu'elles s'annoncent bien plus compliquées qu'hier.
Aussi ne peut-on accepter l'enthousiasme irréfléchi de ceux qui prétendent mettre en place une "reconnaissance faciale éthique", comme le font dans ce même n° deux députés LREM, Didier BÉCHAIRE et Stéphane SÉJOURNÉ.
Aussi, il semble nécessaire de faire de la lutte contre cette loi, avalisée par la Cnil, un combat prioritaire, ainsi que le rappelle le "Canard enchaîné" du 20-11-19 dans un article de "une"fâcheusement titré "T'ar ta geule à la télé !" qui ne permet pas d'en identifier d'emblée le sens.
Or ce sens est l'urgence de stopper cette "société de surveillance" qui se met insidieusement en place à l'insu de notre plein gré.