Entre Rome et Hong-Kong : l'importance cruciale de l'Etat de droit
Entre Rome et Hong Kong
L'importance cruciale de l'État de droit.
En cet été 2019, un politicien italien d'extrême-droite réclame "les pleins pouvoirs" et se fait fort de les obtenir par les urnes, alors que des foules pacifiques se rassemblent à Hong Kong pour obtenir la limitation des pouvoirs de la dictature toute-puissante d'un Parti.
Cette concomittance met en évidence l'importance cruciale de l'État de droit. Cette construction social-historique qui est le fruit fragile des luttes pour la liberté et l'égalité menées depuis des siècles (voire des millénaires...).
Acter le primat du droit sur la force
Il s'agit au fond d'acter le simple primat du droit sur la force. Mais comme un tel acquis est le produit de sédimentations successives dans le cadre d'institutions pas toujours émancipées du poids des dominants, sa valeur n'est pas toujours reconnue à sa juste importance.
Or, préserver les droits des plus faibles suppose le respect des procédures, parfois compliquées et pas toujours d'un accès aisé, qui constituent cet État de droit.
Par ailleurs, l'Histoire n'a pas manqué d'épisodes où une conjoncture plus favorable aux opprimés a fait croire à certains qu'il suffisait d'établir un "rapport de forces" pour faire avancer définitivement leurs droits. Cette croyance s'est en particulier appuyée sur l'imaginaire naïvement progressiste partagé par la Gauche européenne du XIXe siècle, et dont le marxisme constitue le fleuron.
Mais de tels épisodes, fugaces et fragiles, ne suffisent hélas pas. Et l'Histoire du XXe siècle a amplement démontré la fausseté du progressisme marxiste, dans sa version mécaniste résumée par l'image de "la locomotive de l'Histoire".
Car l'étude plus attentive de toutes les révolutions violentes du passé nous montre ceci : seules celles qui avaient réussi à faire inscrire des avancées dans le marbre du Droit avec un consensus social suffisant ont su éviter de terribles retours en arrière.
Et cette force du Droit repose sur l'évitement des confrontations violentes permanentes qui épuisent les sociétés qui y sont soumises.
D'où il ressort que ce n'est pas de gagner la guerre civile qu'il faut se préoccuper, mais de l'éviter.
L'apaisement que permet le recours au Droit est bien sûr relatif. Car le Droit ne supprime pas les conflits basés sur les oppositions d'intérêts. Mais il permet au moins de les réguler par le recours à la raison et aux arguments, en substituant la parole et l'écrit aux coups.
Construire un équilibre des pouvoirs
Mais parler d'État de droit suppose plus que cela : la construction d'un véritable équilibre des pouvoirs qui permette le recours du faible contre le fort en toute circonstance.
On sait qu'en Occident, Montesquieu fut le grand théoricien de la séparation et de l'équilibre des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Cette théorisation n'épuise pas le sujet, bien sûr, mais elle garde toute sa pertinence et participe d'un consensus social à entretenir avec soin. D'autant que toutes les cultures ont connu un tel tropisme, ainsi qu'en témoigne par exemple Anne CHENG dans son "Histoire de la pensée chinoise" (Points-essais n° 488, Seuil, 2002, pp 609 et sq notamment). Car le refus de l'oppression, universel, conduit nécessairement sur ce chemin toutes les personnes qui ont expérimenté ou médité les impasses révolutionnaires et populistes.
Un processus fragile et toujours en cours
Aujourd'hui, à Rome comme à Hong Kong, promouvoir l'État de droit, c'est refuser de céder à la monopolisation du pouvoir, tout en évitant la confrontation violente, toujours favorable in fine aux puissants.
C'est donc s'engager et manifester collectivement contre les monopolisateurs, en rassemblant le plus largement possible la société autour des principes de liberté et d'égalité des droits. C'est soutenir toutes celles et ceux qui prennent ce risque face aux agissements violents des monopolisateurs. C'est dénoncer toutes les tentations monopolistes et défendre le pluralisme en toute circonstance.