Effondrement et déni : l'économiste et la religion de la croissance
Effondrement et déni :
l'économiste et la religion de la croissance.
Le succès (très relatif) des "collapsologues" suscite des réactions.
Ainsi, dans "Le Monde" daté 16-8-19, "l'économiste atterré"(du nom du collectif anti-libéral constitué dans les années 2000) Christophe RAMAUX s'en vient dénoncer "Les collapsologues (qui) ravalent le politique à un mode religieux".
Mais, comme trop souvent, nous avons ici affaire à une variante de l'histoire de "la paille et la poutre".
Car si notre économiste ("chercheur au Centre d'économie de la Sorbonne - université Paris-I") se saisit avec raison d'une citation contestable d'Yves COCHET selon laquelle il n'y aura qu'une "moitié survivante de l'humanité dans les années 2040" ("Libération", 23-8-17), il n'en cède pas moins au dogmatisme qu'il dénonce , et à "l'infatuation, l'ésotérisme" qu'il pense discerner chez Pablo SERVIGNE, au motif qu'il "invite à se "réensauvager" pour "renouer avec nos racines profondes", nos "symboles primitifs", et à ce que "finalement" il mettrait "en cause la démocratie."
S'il avait lu SERVIGNE d'un peu plus près, il n'aurait peut-être pas cédé à cette diabolisation, qui ne repose sur rien d'autre que ses propres préjugés d'économiste scientiste et progressiste.
L'absence de contextualisation de ses citations invite d'ailleurs à aller voir de plus près le contexte de celle qu'il fait de COCHET...
Par opposition à ce qu'il perçoit comme une incitation à la "décroissance globale" (incitation qu'on ne trouve nulle part dans les écrits des "collapsologues" : ils constatent au contraire que la croissance continue et ne va pas s'arrêter...), C. RAMAUX souhaite réhabiliter le PIB, dont, parmi "ses nombreuses qualités", il relève qu'il est "calculé de trois façons. Par la production (les valeurs ajoutées, dont celle par le secteur public); par la demande (consommation – dont celle de services publics – et investissements); par les revenus (salaire, profit, etc.) : croissance et pouvoir d'achat sont liés. Et ne trompons pas le monde : la pérennisation des retraites, la hausse du pouvoir d'achat pour le plus grand nombre, la satisfaction des besoins sociaux et écologiques ne pourront se faire, à PIB constant, uniquement par la réduction des inégalités."
Mais qui affirme le contraire ?
Par contre, il conviendrait peut-être de préciser de quelles inégalités l'on parle...
A l'évidence notre économiste se situe au niveau national franco-français, comme le montre la suite de son texte. Or c'est bien au niveau mondial qu'il faudrait raisonner. Et à ce niveau-là les Français les plus pauvres se situent nettement au-dessus de la majorité de la population, et leur niveau de vie actuel est écologiquement insoutenable. Que cette vérité dérange, on l'admettra aisément. Et donc il est bien tentant d'y échapper en se raccrochant, comme l'ensemble de notre classe politique ou à peu-près, à la religion de la croissance du PIB...
Qu'il nous faille revoir totalement notre mode de vie pour partager équitablement les ressources mondiales finies de notre planète est en effet difficile à concevoir, et encore plus à accepter.
Les prêtres de la religion de la croissance, les économistes comme C. RAMAUX, préfèrent donc, comme lui, ergoter, en s'appuyant sur le GIEC, sur les "quatre variables" dont dépend "le réchauffement climatique" : "la population (la dernière bombe démographique en Afrique devrait être résorbée (on s'interroge sur le caractère osé et torturé de cette image...les Africain-e-s apprécieront ce point, qui relève de la lutte d'émancipation des femmes africaines) à la fin du siècle); la croissance du produit intérieur brut (PIB); l'intensité énergétique du PIB (le ratio énergie/PIB); l'intensité carbone de l'énergie (le ratio gaz à effet de serre/énergie)."
Il suffit dès lors de s'attaquer aux deux dernières pour sauver la deuxième. Et pour cela, faisant flèche de tout bois, C.RAMAUX nous invite à ne pas sortir "précipitamment" du nucléaire. Sur ce point, on peut déjà le rassurer : notre gouvernement ne semble pas céder à la précipitation. Espérons seulement que ce sera aussi le cas d'un éventuel accident majeur...dont à l'évidence C.RAMAUX sous-estime gravement les conséquences.
Ainsi la croissance du PIB est sauvée du "dogmatisme" des écologistes... Mais sommes-nous pour autant sauvés de celui des économistes ?