Espoir et confusion des temps

Publié le par Henri LOURDOU

Espoir et confusion des temps

 

Que nous est-il permis d'espérer ? Alors que la confusion des esprits semble à son comble, il devient de plus en plus difficile de répondre à cette question.

Encore une fois je dois chercher, comme d'autres, les signes qui nous permettraient d'oser espérer raisonnablement.

 

Signes d'espoir

 

Paradoxalement peut-être pour certaines personnes, je dirai que pour moi les signes d'espoir se trouvent aujourd'hui sur la rive Sud de la Méditerranée plus que sur sa rive Nord. Le magnifique mouvement du peuple algérien montre une maturité politique et une détermination que l'on a du mal à trouver ici.

Il manifeste la profonde erreur commise par ceux qui se retranchent derrière l'épouvantail de l'islamisme pour refuser de soutenir tous les printemps arabes qui se sont succédé depuis 2011. Encore une fois l'on constate la profonde connivence entre pouvoirs dictatoriaux et islamisme, telle qu'on a pu l'observer en Egypte ou en Syrie. Et, à l'opposé, la profonde convergence entre la lutte pour la démocratie et le féminisme émergent dans ces pays.

Voir sur ce dernier aspect le numéro de mars 2019 de "La Chronique d'Amnesty international" (https://www.amnesty.fr/la-chronique ).

Soutenir ces mouvements est donc un devoir absolu.

 

Marques de désespoir

 

Mais que faire d'autre de ce côté-ci ?

J'avoue que là je cale un peu, tant la complexité de la situation me rend perplexe.

 

Au moment où j'écris ces lignes, ma fille aînée s'énerve devant les témoignages d'ex-conseillers de la présidence ou de ministères qui ont démissionné ou ont quitté leurs fonctions pour diverses raisons (article du dernier "Society" du 23 mars). Ce sont tous des gens "de gauche" (ma fille récuse cette appellation : pour elle ils sont "de droite") qui déplorent les entraves aux bonne intentions supposées du Président. Elle me donne l'exemple des "- 5 €" sur l'APL : une décision qui leur serait "tombé dessus" sans qu'ils la voient venir. On sait qu'il s'agit d'une des mesures les plus catastrophiques socialement du gouvernement Philippe, puisqu'elle a atteint les capacités de financement des organismes HLM, obligés de compenser cette baisse en puisant sur leurs deniers propres et en obérant leurs investissements, voire l'entretien des bâtiments existants.

Ainsi ces "gens de gauche" qui continuent à soutenir Macron sont victimes d'une sorte de déni (ma fille parle de "mensonge éhonté") devant la réalité d'une politique la plus à droite qu'ait connu notre pays depuis longtemps (Sarkozy, malgré ses annonces tonitruantes et provocatrices, est battu).

Le paradoxe est que la seule opposition "crédible" à cette majorité est celle du RN...encore plus à droite. Et que la gauche est plus que jamais divisée par la stratégie solitaire de Mélenchon, et par les élections européennes qui poussent au chacun pour soi.

Peut-on construire une majorité de gauche aujourd'hui en France ? A l'évidence non.

La timide percée des écologistes et la diffusion de leurs idées pourrait être un vecteur de rassemblement. Mais cela suppose d'avancer considérablement sur la question des institutions (remis en cause radicale du présidentialisme) et de la méthode (place reconnue des partis et des corps intermédiaires par rapport à une démocratie plus participative), ainsi que sur un certain nombre de sujets clivants : la souveraineté et la place de l'Etat, la laïcité, l'immigration et le bilan de la colonisation, toutes questions qui mettent la question des droits et du Droit au centre du débat, ainsi qu'un retour sur le "roman national" partagé par la droite et la gauche jacobine.

 

Le mouvement persistant des "gilets jaunes" pourrait sembler apporter une lueur d'espoir. En se débarrassant au fil du temps de ses aspects les moins sympathiques (une forme d'arrogance et d'illusion de toute-puissance, un complotisme à consonance xénophobe ou antisémite, un refus de considérer les enjeux écologiques, un refus poujadiste de toutes les organisations existantes couplé à une mythologie populiste du "peuple pur et uni"), il a gagné une forme de conscience collective forgée par le mépris de classe des gouvernants et la répression policière disproportionnée, qui l'amène sur le terrain des valeurs de gauche. Cette évolution du même coup l'a minorisé à la fois dans la mobilisation et dans l'opinion, tout en le laissant à un haut niveau de sympathie.

Néanmoins, cette évolution se heurte à l'état de division déjà évoquée de la gauche. Ce qui en limite fortement le débouché politique potentiel.

On ne peut malheureusement que conjecturer un double débouché contradictoire : à la fois vers le RN et vers les diverses oppositions de gauche (dont les écologistes, pourtant cible collatérale au départ de ce mouvement).

La mobilisation pour le climat qui s'est développé parallèlement a peu convergé avec les "gilets jaunes" malgré les efforts des militants de l'ANV-COP 21 ("Alternatiba"). Il était certainement difficile de le faire, bien que, sur le papier, les éléments soient là : pas de justice sociale possible sans transition écologique, pas de transition écologique possible sans justice sociale.

Ce message est difficile à concrétiser car il suppose des réponses complexes et délicates à mettre en place.

Or le militantisme de masse suppose le simplisme et la rudesse : telle est du moins la tradition dominante.

Ce simplisme et cette rudesse conduisent aujourd'hui à se situer sur une double alternative toutes deux insatisfaisantes. C'est l'alternative "Pour on contre Macron" d'un côté qui peut conduire à un vote "utile" pour le RN, et l'alternative "Pour ou contre le RN" de l'autre qui peut, elle, conduire à un vote "utile" pour LREM... Autant dire que l'une comme l'autre de ces fausses alternatives me hérisse.

C'est pourquoi je voterai quoi qu'il arrive pour la liste qui me correspond le mieux : la liste EELV conduite par Yannick JADOT le 26 mai.

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