La leçon italienne pour la construction d'une alternative de Gauche en France
La leçon italienne pour la construction d'une alternative politique de Gauche en France
Je concluais ainsi ma précédente note de lecture sur l'Italie :
"Face à l'effacement des repères traditionnels, qui s'ajoute à l'effondrement des grands partis, se lève une préoccupation identitaire qui investit le passé. La question est celle de la refondation d'une identité collective face à un monde d'incertitudes. A cela, deux réponses opposées sont possibles : celle, consumériste, proposée par Berlusconi, et à présent par Salvini, se fonde sur la double obsession de l'ordre et de l'entre-soi, l'autre, qui n'a pas encore d'expression politique claire, se fonde sur la recherche de la participation démocratique à travers des pratiques de solidarité et de partage. M LAZAR note à cet égard la force particulière en Italie de la vie associative locale et des pratiques de proximité, issue de la tradition de gauche, mais déçue par la politique institutionnelle.
Une particularité que nous retrouvons à bien des égards en France. Saurons-nous lui donner le prolongement politique adéquat ?"
Le mouvement des "Gilets jaunes", tel qu'il s'est développé depuis novembre 2018, pose cette question.
Gilets jaunes : un mouvement qui reste ambigu et inabouti
Son caractère très ambigu et hétérogène a été maintes fois souligné.
La dynamique qu'il a développé s'est apparemment dissociée de certains de ses caractères les plus régressifs, en particulier celui de l'apologie implicite du tout-voiture et de la vitesse (refus de la taxe carbone et du 80 km/h, destruction des radars contrôleurs de vitesse), ceci surtout en zone rurale.
Il n'en demeure pas moins que son recentrage sur la question des inégalités de richesse, massivement plébiscitée par les sondages, et sur la participation démocratique, à travers le fameux RIC (Référendum d'Initiative Citoyenne), est loin d'être à la hauteur des enjeux.
Aussi, la quasi-sanctification de ce mouvement (qu'il serait sacrilège de critiquer de quelque manière) par une partie de l'extrême-gauche, les écologistes radicaux "anti-partis" et les populistes de gauche, loin de lui rendre service ne fait que le conforter dans ses insuffisances, et, disons-le, parfois dans sa suffisance.
Je reconnais bien volontiers ses aspects finalement positifs : avoir replacé les questions sociale et démocratique au centre de l'agenda politique, avoir amené une partie de la population, jusque-là en retrait, dans la mobilisation collective, avoir refusé la stratégie du bouc-émissaire anti-immigrés et anti-LGBT que lui proposaient les activistes d'extrême-droite, avoir refusé la stratégie violente d'affrontement insurrectionnaliste que lui proposaient conjointement activistes d'extrême-droite et d'extrême-gauche.
Mais ce n'est pas une raison pour occulter ses aspects négatifs : un manichéisme sommaire qui se nourrit de toutes les théories complotistes qui traînent sur Internet, une autosatisfaction narcissique qui nie l'existence de toutes les forces organisées préexistantes (associations, syndicats, partis) de leur rôle et de leur action, qui sont loin d'être "nulles" comme il est de bon ton de le penser dans la sphère "radicale" néo-anarchiste. Une tendance à la justification de la violence en utilisant de façon abusive la réalité des bavures policières. Mais également, malgré certaines ouvertures récentes, une non-prise en compte de l'enjeu écologique, qui était au départ centralement nié par lui.
Le devoir des associations, syndicats et partis vis-à-vis des Gilets jaunes
Ce sont à présent ces insuffisances qu'il va lui falloir affronter. Faute de quoi, la déception et le ressentiment face à l'absence d'autres résultats tangibles que les mesures d'urgence lâchées par le gouvernement en décembre, risque de se traduire massivement par le double phénomène habituel et déjà à l'oeuvre. A savoir le retrait du mouvement pour les uns, et la radicalisation dans les impasses extrêmistes et populistes pour les autres.
C'est pourquoi il est aujourd'hui du devoir des organisations structurées, associations, syndicats et partis, de s'adresser aux Gilets jaunes, sans mépris, mais sans complaisance opportuniste et sans démagogie.
D'abord en argumentant leurs réserves face aux "yaka" portés par ce mouvement.
"Yaka" rétablir l'ISF ?
Oui mais il faut rappeler qu'il ne rapportait que 5 Mds d'€ dans un budget de la Nation dont l'ordre de grandeur est trop peu connu : environ 286 Mds d'€ pour les recettes fiscales de l'Etat, dont 40 reversés aux collectivités territoriales en 2018 ;
Il est à noter que dans ses présentations, l'Etat fait apparaître les prélèvements au profit de l"UE (environ 20 Mds d'€)...https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/ressources-documentaires/documentation-budgetaire/chiffres-cles-budget-etat
mais pas ce que les politiques de l'UE reversent à la France, environ 15 Mds d'€ mais qu'il faut aller chercher sur des sites spécialisés https://www.touteleurope.eu/actualite/le-budget-de-l-union-europeenne.html, ce qui fait de la France le pays qui touche le plus de l'UE; en effet, l'Allemagne, premier contributeur, touche moins d'argent de l'UE que nous, et les pays qui profitent de l'UE (pays du Sud et de l'Est) touchent moins en montant des aides que la France...
Donc au total, la réforme de l'ISF, qui rapporte encore 1,5 Md d'€, n'a grevé les ressources de l'Etat qu'à hauteur de 1,2% de ses recettes fiscales de 2017 (292 Mds d'€). Cela n'est pas rien, mais cela ne suffira pas, si on le rétablit, à assurer tous les besoins de financement public.
Enfin, il faut aussi aller chercher ailleurs les 110 Mds d'€ des recettes fiscales propres des collectivités territoriales; et ... les 380 Mds d'€ de recettes de la Sécurité sociale (cotisations salariales et CSG principalement) (chiffres 2018). On voit ici que la Sécu prélève davantage d'argent que l'Etat, même si aujourd'hui les deux sont souvent confondus. C'est donc l'ensemble des "prélèvements obligatoires" qu'il faut interroger et analyser
"Yaka" diminuer la TVA sur les produits de première nécessité ?
Ci-après un argumentaire interne à EELV pour le Grand Débat National :
"Cette baisse est considérée comme un moyen de lutte contre la vie chère dans une logique par ailleurs assez mortifère du moins disant entretenue par la publicité et les grandes enseignes du commerce. Les évaluations sur les expériences antérieures incitent à la plus grande prudence. La baisse de la TVA ( à 5% )sur la construction des logement sociaux et sur l’entretien et la réparation des bâtiments en général, au début des années 2000, ne s’est pas traduite par une baisse à due concurrence des prix pour les organismes HLM et pour les propriétaires immobiliers. Les indices ont fait un bond dans les trois ans qui ont suivi. La baisse de la TVA sur la restauration n’a pas non plus bénéficié aux consommateurs. A l’inverse, du fait du jeu de la concurrence, les entreprises et les commerçants hésitent à répercuter mécaniquement l’intégralité des hausses de taux de TVA (retour à 7 puis 10% pour le bâtiment, à 10% pour la restauration). La baisse, par exemple, du taux de TVA qui est de 5.5% sur les produits alimentaires considérés comme de premières nécessité risquerait d’être «confisquée » très rapidement par la grande distribution en l’absence de contrôle des prix.
La TVA serait un impôt antisocial du fait de l’uniformité des taux. Cela dépend en fait de la structure des dépenses des ménages. L’alimentation ( à 5.5%) pèse plus dans les budget des familles modestes de même que la charge logement, les loyers et les annuité d’emprunts étant hors champ TVA. Une augmentation du taux général de 20% ne pèserait que sur 40 à 50% des dépenses, voire moins. La hausse du budget énergie peut être compensé par le chèque énergie.
Les Verts ont été les premiers à formuler le principe de la TVA sociale dans les années 90. Dans le contexte de l’époque, il s’agissait de financer la manque à gagner résultant de la diminution du temps de travail à 35 et 32 heures pour favoriser l’emploi par la répartition du temps de travail. La formule choisie par les lois Aubry puis Fillon s’est traduite par une prise en charge par les employeurs compensée par les allègements « Fillon » sur les charges patronales. La gauche, en général, a toujours été hostile, à la TVA sociale. La mesure ne figure plus dans le programme d’EELV. Pour diminuer les cotisations des salariés et les charges patronales, la majorité actuelle a opté pour l’augmentation de la CSG de 1.7%, soit une ponction directe sur le revenu, avec les conséquences politiques que l’on sait, notamment sur le public retraité (pensions supérieures à 1200 € net pour une personne seule). D'où la mesure de dégrèvement annoncée le 10-12 pour les pensions entre 1200 et 2000 €.
Faut-il écarter définitivement le concept de TVA sociale ?
La TVA payée par le consommateur final peut être un instrument d’orientation « vertueuse » des comportements d’achat dans la perspective de la transition écologique. Dans ce cadre, le taux réduit devrait s’appliquer aux produits et articles issus des circuits de récupération et de recyclage pour lutter contre le gâchis et l’obsolescence programmée."
Il me semble que cet argumentaire amène des éléments intéressants pour cadrer cette revendication d'une baisse ciblée de la TVA; j'y ajouterai cependant deux autres considérations : celle de la nécessaire restauration de la progressivité de l'impôt, à travers la revalorisation de l'impôt sur le revenu, et de la mobilité sociale, à travers celle de l'impôt sur les successions. Deux points non abordés par le mouvement des Gilets jaunes.
"Yaka" supprimer la "taxe carbone"?
Nous revenons ici au point de départ du mouvement, et à la raison fondamentale qui nous a empêché d'y adhérer. Et c'est le moment de rappeler que lors de la consultation de tous les partis représentés au Parlement par le Président début décembre, EELV a été le seul à ne pas demander l'abandon de la taxe carbone (alias Conribution Climat Energie ou CCE). On voit ici où sont les "capitaines de pédalo de l'écologie" ...
Et voici pourquoi nous l'avons fait :
"Les écologistes considèrent que la Contribution Climat Energie est un outil essentiel pour encourager et accompagner la transition écologique. La diminution globale de nos dépenses énergétiques et la suppression progressive des énergies carbonées est un objectif central pour diminuer les pollutions, la dépense des ménages et notre dépendance à l’égard des fournisseurs étrangers. L’objectif d’un prix de la tonne carbone de 100 € en 2030 doit être maintenu. Aujourd’hui, en 2018, avec un prix de 44,6 € la tonne et 9,1 Mds € de recettes, la CCE a atteint un premier seuil significatif. Pour être légitime et justifiée aux yeux des citoyens, cette ressource doit être intégralement consacrée au financement de la conversion écologique :
Les écologistes proposent :
- L’affectation de la moitié des recettes de la Contribution Climat Energie à l'AFITF (financement des infrastructures de transport) , à l'ADEME (Innovation et énergies renouvelables), et à l'ANAH (Isolation des logement), et la moitié à des versements forfaitaires aux ménages sous conditions de revenus (chèque énergie).
- L’ajustement de la progression de la CCE, à partir de 2020 et sur la base d’un moratoire en 2019, à l’évolution du prix du pétrole afin de lisser dans le temps l’impact sur le prix des carburants et combustibles en maintenant l’objectif de 2030.
L’effort demandé ne doit pas être porté par les seules ménages. Les écologiste demandent :
- le doublement de la participations des employeurs à l’effort de construction ( Action Logement) pour abonder le financement de la rénovation thermique de l’habitat et faciliter le rapprochement domicile travail.
- la suppression du remboursement partiel de la taxe sur le gazole pour le transport routier (1.137) Mds € en 2018.
- la suppression des niches fiscales dont bénéficient raffineries de pétroles et les industries soumises aux systèmes d’échanges de quotas carbone ( 870 millions € en 2018.)
- la création d’une taxe poids lourds à l’échelle de l’Union européenne.
- la création d’une taxe européenne sur le kérosène pour le transport aérien et dans l’immédiat, à titre transitoire, la création d’une taxe additionnelle à la taxe d’atterrissage (proportionnelle au poids) sur les aéroports métropolitains."
Bien évidemment, toutes ces propositions ne sont pas du même niveau d'urgence ou de faisabilité; et certaines demandent sans doute discussion. Mais elles se situent dans ce cadre pour nous incontournable d'une montée en charge progressive de cette taxe indispensable à la transition énergétique et à la décarbonation de notre économie.
"Yaka" instaurer le RIC (Référendum d'Initiative Citoyenne) pour instituer la démocratie parfaite ?
Là encore, le point demande à être discuté et amendé. Sur au moins deux points.
Le premier est le principe binaire du référendum (oui/non) sur des questions dont la complexité est réduite à une alternative simpliste qui induit un rabaissement de la qualité du débat. Alors que celle-ci est l'essence-même d'une démocratie digne de ce nom. Tous les précédents illustrent ce point, ainsi que le rappellent tous les politistes qui se sont penchés sur la question : le référendum emblématique à cet égard étant le référendum britannique sur le Brexit, avec son avalanche de "fake news" et son hystérisation (débouchant notamment sur l'assassinat d'une députée travailliste "pro-remain", Jo Cox) , ...et la découverte tardive des effets réels de "l'exit"... Mais on doit y adjoindre, n'en déplaise aux tenants du "non", la façon dont s'est déroulé le référendum français de 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen : même simplisme et même hystérisation du débat, débouchant sur un "non" majoritaire que je me refuse pour ma part à sacraliser, tant le débat qui l'a précédé a été biaisé et insuffisant, et tant son contenu était lui-même ambigu (une alliance de pro-européens voulant aller plus loin et de nationalistes voulant revenir en arrière est-elle porteuse de sens...et de mouvement ?). Et de fait, le Traité de Lisbonne, négocié entre gouvernements, qui l'a remplacé a fait symboliquement la part belle aux seconds au détriment des premiers (abandon des signes et symboles de "supranationalité"), ce qui n'a fait que renforcer "l'euroscepticisme" au lieu de relancer le débat sur des bases saines.
Le second est la question de l'instrumentalisation du processus et de son résultat par un exécutif monarchique. En quoi l'institution du RIC, en l'absence de toute réforme préalable du fonctionnement réel de nos institutions marquée profondément du logiciel monarchique de tous les présidents élus au suffrage direct ou indirect (maires), peut-elle s'opposer à la logique de confiscation du pouvoir par ces élus qui se parent de l'onction du suffrage universel ? Il semble bien qu'on ait encore mis ici "la charrue avant les boeufs".
Face à ces deux "impensés" du RIC, nous devons opposer, en accord avec les nombreux politistes qui ont réfléchi à la question :
-Une expérimentation du RIC au niveau où il est le plus pertinent : le niveau local, où les citoyens ont l'expertise directe des questions abordées, forcément complexes, et peuvent donc influer en amont sur la formulation des questions posées, et débattre sur le fond en connaissance de cause.
-Une mise en place en conséquence de "préférendums" mettant en avant une multiplicité de réponses possibles avant d'en sélectionner finalement deux, voire en instituant une modalité de vote non binaire (vote préférentiel).
-Une "démonarchisation" du fonctionnement de nos institutions élues, qui est une démarche plus culturelle qu'institutionnelle, passant par une pratique continue du débat débouchant le plus souvent possible sur des consensus, sans recours systématique au vote, et sur des votes, de préférence au choix solitaire, en dernière instance, d'un "chef". Cela devrait déboucher, en bonne logique, sur un désinvestissement de l'élection présidentielle comme élection "reine", au profit d'élections législatives représentatives du pluralisme réel des courants et opinions. Et donc sur un fonctionnement collégial de nos institutions représentatives.
-Un partage réel et équilibré des pouvoirs, évitant les surenchères radicales et les quasi-guerres civiles qui caractérisent notre vie politique. Ce partage et cet équilibre, difficiles voire impossibles à atteindre, doivent être notre idéal commun, car seuls ils peuvent assurer un Etat de Droit garantissant les citoyens contre l'arbitraire, fût-il paré de l'onction du suffrage majoritaire soi-disant souverain. Car la question des Droits humains surplombe celle de la souveraineté populaire : c'est la grande leçon de toutes les expériences totalitaires du XXe siècle, et nous ne saurions en aucune manière l'oublier.
Ainsi, sur tous ces points, nous appelons les activistes Gilets jaunes à approfondir leurs positions et à débattre avec les associations, syndicats et partis, dont l'existence et l'action ne sauraient être niés ou abolis par quelques semaines de manifestations, si exaltantes soient-elles.
Le devoir des associations, syndicats et partis vis-à-vis d'eux-mêmes
Il ne serait pas juste de s'arrêter là et de dédouaner toutes ces organisations de leurs propres déficiences.
Ce que nous avons dit des institutions élues (dérive monarchique et suffisance souverainiste vis-à-vis du "peuple réel" et des Droits humains) est encore plus vrai des organisations.
La défiance qu'elles rencontrent de la part des "nouveaux activistes", tant Gilets jaunes que néo-écolo-anarchistes, ne relève pas seulement de l'inculture ou de l'engagement intermittent de ces derniers.
Prendre en compte le mouvement réel et refuser la fatalité de la désunion
Il y a à "balayer devant notre porte". Tout d'abord en évitant un regard condescendant sur ces nouveaux "activistes".
Ce fut trop souvent le cas, dans les années 90-2000, de la CFDT à laquelle je suis attaché, depuis mon adhésion à cette organisation, avec laquelle je sympathisais depuis 1972, en décembre 1981. J'ai porté le débat en son sein autant que je l'ai pu : en faisant adhérer mon syndicat, le Sgen 79, à Attac en 1999; en participant, à titre personnel, au mouvement AC! en 1996-98, et en demandant sa reconnaissance comme interlocuteur pour élaborer nos positions sur la négociation des conventions Unedic, notamment sur la suppression de la dégressivité des allocations, actée par Nicole Notat en 1992 en tant que présidente de l'Unedic, et finalement remise en cause en 1998. Mais j'ai dû constater la double radicalisation des divergences lors de la sortie des oppositionnels CFDT suite au congrès confédéral de 1998, puis du mouvement de grève sur les retraites de 2003. J'ai fait partie, en décembre 1995, comme au printemps 2003, de ceux qui ont milité à la fois pour une élaboration sérieuse des revendications et pour leur discussion dans un cadre unitaire. J'ai dû constater, à ces deux reprises, que trop de responsables, à la CFDT comme chez nos partenaires syndicaux, se satisfaisaient trop facilement d'acter les désaccords sans tenter de les dépasser.
Au niveau politique, la situation n'est pas plus brillante.
L'éclatement du PS en 2017 n'a pas pour autant boosté ses challengers : ni La République En Marche, ni La France Insoumise n'ont récupéré sa capacité de rassemblement du centre-gauche à l'extrême-gauche. La tentative d'OPA sur l'écologie tentée par les uns ou par les autres n'a pas eu raison du parti écologiste historique, malgré la perte par celui-ci de tous ses députés en 2017.
Le résultat est le champ de ruines de la Gauche, où de micro-partis se disputent les dépouilles, avec une absence phénoménale de stratégie politique.
Les pistes d'une stratégie de reconquête
Aujourd'hui, je constate enfin une volonté au sommet de la CFDT de renouer avec les "préoccupations sociétales" (question écologique, accueil des exilés), mais celle-ci se heurte au repli trop longtemps encouragé des syndicats et sections d'entreprise sur le champ purement professionnel. Celui-ci a certes permis à la CFDT de devenir aujourd'hui le premier syndicat représentatif en France, devant la CGT, et c'est un événement historique sans précédent. Mais cela se produit dans un contexte globalement défavorable aux syndicats pris dans leur ensemble. Un contexte qui donne à la CFDT, en tant que première organisation, une responsabilité particulièrement lourde dans la reconstitution d'une unité d'action intersyndicale.
Or celle-ci exige la prise en compte de ces enjeux sociétaux, car ils sont au coeur des situations qui déterminent les conditions de l'action syndicale.
Sur le terrain politique, la soi-disant stratégie du "populisme de gauche" mise en oeuvre par JL Mélenchon aboutit à marginaliser LFI dans une situation comparable à celle du PCF de Maurice Thorez dans les années 50. Dans le même temps, cet isolement stérilise les chances d'un rassemblement majoritaire écologiste et de gauche.
Face à cet impasse, il ne reste qu'une option : travailler à rassembler ceux qui sont encore capables de se parler pour obliger ceux qui restent dans leur coin à rallier une stratégie d'union.
Cela passe d'abord par une reconstruction interne de chacune des composantes, dans une démarche d'organisation et de structuration du débat politique autour des enjeux à traiter...et non des places à prendre ! Cela implique d'oublier vraiment l'élection présidentielle et le rôle que les uns ou les autres estiment devoir y tenir.
Les élections municipales de 2020 seront un test décisif à cet égard. Quant aux élections européennes, qui obsèdent en ce moment nos états-majors politiques, leur enjeu étant d'abord européen, c'est à ce niveau-là qu'il faut en traiter : et là les écologistes, à gauche, ont une longueur d'avance.
Quelques références :
Sur la fiscalité, je renvoie aux derniers n° d'Alternatives économiques, excellent mensuel dont je suis l'abonné à vie et où je puise ma réflexion.
Sur la démocratie délibérative et le RIC, je renvoie à mes articles précédents sur le sujet, ainsi qu'au dernier supplément "Idées" du "Monde" du 23-2-19.
Je remercie également les militant-e-s CFDT Tarbais-e-s qui ont participé à la réunion locale consacrée au Grand Débat National, et dont les réflexions ont nourri aussi la mienne. Et bien sûr les militant-e-s du Groupe Local 65 d'EELV auquel je participe.