Pourquoi il ne suffit pas, et il n'est pas non plus indispensable, d'être anticapitaliste...
Pourquoi il ne suffit pas, et il n'est pas non plus indispensable,
d'être anticapitaliste pour défendre l'environnement
et des conditions de vie décentes pour tous.
Les interventions récentes de l'astrophysicen Aurélien Barrau et notamment son intervention de 10 minutes au dernier festival Climax (https://positivr.fr/aurelien-barrau-fin-du-monde/) ont suscité des réactions agacées de certains docteurs patentés de l'anticapitalisme.
L'économiste Jean Gadrey leur a bien et intelligemment répondu sur le site d'Alternatives Economiques
Pour ceux qui n'auraient pas le temps ou la patience d'aller voir, voici mon résumé sur la question.
La position d'Aurélien Barrau :
Nécessité d'être davantage qu'anticapitaliste
La catastrophe est en marche mais on peut la limiter. Pour cela il faut prendre pleinement la mesure de ses causes : elles remontent plus loin que la mise en place du système capitaliste aux XVIe-XVIIIe siècles. Déjà les chasseurs-cueilleurs détruisaient localement des écosystèmes entiers. C'est le rapport des humains au vivant qui est à revoir : nous avons progressivement pris en otage 7 millions d'espèces animales, sans parler du bouleversement des espèces végétales.
Il ne s'agit pas de revenir à un Age d'Or qui n'a jamais existé, ni de nier les améliorations indéniables de nos conditions d'existence, du moins pour la majorité des humains. Mais de mesurer le prix de nos ambitions et d'en payer le coût : nous devons passer un nouveau contrat social avec le vivant. Déconstruire et reconfigurer nos valeurs, et notamment le sens du mot "peuple" : j'ajouterais, corrélativement, le sens du mot "patrie". Le peuple doit devenir 'la grande tribu des vivants", en intégrant donc les autres espèces que l'humanité. Quant à la patrie, ce doit devenir notre "Terre-patrie", selon l'expression forgée par Edgar Morin.
Nécessité d'une action politique
Le sérieux doit changer de camp : il n'est plus du côté de la "croissance", mais de celui de l'écologie. Les "doux dingues" ne sont pas ceux que l'on croit.
Il faut des mesures politiques coercitives et impopulaires qui remettent en cause notre confort et nos libertés apparents. Faute de quoi, on n'ira pas assez loin et assez vite pour limiter l'effondrement en cours.
Il faut donc harceler tous les gouvernements pour que l'écologie soit vraiment la priorité de leur action. Et j'ajoute que pour cela, rien ne vaut un vote écolo à toutes les élections.
La contre-argumentation de Jean Gadrey aux "anticapitalistes"
Elle est bien résumée par la phrase suivante :
"Peut-on citer dans l’histoire du capitalisme depuis ses origines de puissants mouvements sociaux, ouvriers notamment, qui aient conquis des droits vitaux en mettant en avant leur anticapitalisme et non pas leurs « revendications concrètes » (protection sociale et droit du travail notamment) ?"
Et il conclue, après avoir évoqué les divers mouvements et appels en cours concernant le climat et la biodiversité, mais aussi la défense universelle des Droits humains :
"Le néolibéralisme et le capitalisme financier n’ont-ils pas plus à craindre de ces nouveaux mouvements sociaux autour de biens communs multiples que des discours anticapitalistes ? Et la prise de conscience de la nocivité du « système » du capitalisme financier et de ses multinationales n’a-t-elle pas plus de chances de se développer au cours de ces mouvements qu’en l’exigeant comme préalable à l’action ?"
Voici le texte de l'appel "Le plus grand défi de l'histoire de l'humanité", publié par "le Monde" daté 4 septembre 2018 :
Quelques jours après la démission de Nicolas Hulot, nous lançons cet appel : face au plus grand défi de l'histoire de l'humanité, le pouvoir politique doit agir fermement et immédiatement. Il est temps d'être sérieux. Nous vivons un cataclysme planétaire. Réchauffement climatique, diminution drastique des espaces de vie, effondrement de la biodiversité, pollution profonde des sols, de l'eau et de l'air, déforestation rapide : tous les indicateurs sont alarmants. Au rythme actuel, dans quelques décennies, il ne restera presque plus rien.Les humains et la plupart des espèces vivantes sont en situation critique.
Il est trop tard pour que rien ne se soit passé : l'effondrement est en cours.La sixième extinction massive se déroule à une vitesse sans précédent. Mais il n'est pas trop tard pour éviter le pire.
Nous considérons donc que toute action politique qui ne ferait pas de la lutte contre ce cataclysme sa priorité concrète,annoncée et assumée ne serait plus crédible.
Nous considérons qu'un gouvernement qui ne ferait pas du sauvetage de ce qui peut encore l'être son objectif premier et revendiqué ne saurait être pris au sérieux.
Nous proposons le choix du politique -loin des lobbys- et des mesures potentiellement impopulaires qui en résulteront. C'est une question de survie. Elle ne peut, par essence, pas être considérée comme secondaire.
De très nombreux autres combats sont légitimes. Mais si celui-ci est perdu, aucun ne pourra plus être mené.