Mitterrand Mélenchon : attraits et limites de la répétition

Publié le par Henri LOURDOU

Mitterrand Mélenchon : attraits et limites de la répétition

 

 

Bis repetita placent ? Jean-Luc Mélenchon ne fait pas mystère de son admiration inconditionnelle pour François Mitterrand. Et l'on peut constater qu'il s'efforce de mettre ses pas dans les siens en se taillant le costume du Grand (et seul) Opposant au locataire de l'Élysée.

 

L'attrait de la répétition

 

Et pour cela, comme pour son modèle, tous les moyens sont bons : son seul et unique mot d'ordre est "s'opposer, toujours s'opposer" à tout propos et (on vient de le voir avec l'affaire Benalla et l'Université d'été des Insoumis où Les Républicains étaient invités) avec n'importe qui. On se souvient que dès 1965 Mitterrand n'avait pas récusé les voix des partisans de l'Algérie française, et qu'il avait reçu en 1981 le soutien de Pierre Poujade (premier mentor de Le Pen en 1956). Et nul doute, qu'à l'image de Sarah Wagenknecht en Allemagne, Mélenchon va mettre une sourdine à son soutien à une politique d'hospitalité aux exilé-e-s, en "prenant en compte" le sentiment "populaire" anti-migrants... pour récupérer une fraction du vote RN.

Mais la comparaison ne s'arrête pas là. En jouant des ambigüités et de la démagogie, Mitterrand avait construit un parti "attrape-tout", le nouveau PS issu de la vieille SFIO, qui lui avait permis à la fois de se construire une clientèle d'élus locaux et de réduire l'influence électorale de tous ses concurrents à gauche, notamment le PCF.

Mélenchon poursuit le même calcul avec LFI, mouvement "gazeux" (l'adjectif est de lui) visant à absorber tout ce qui bouge dans la société dans un nuage où lui seul voit le sens du vent qui le pousse : sa propre accession au pouvoir.

Et, la superstition n'étant jamais loin avec un politicien habité du désir de pouvoir, il se dit à l'évidence, comme son modèle, que, s'étant présenté deux fois en vain à la magistrature suprême, la troisième fois sera la bonne, en 2022...

 

Les limites de la répétition

 

Tout d'abord la configuration partisane, malgré, comme en 1958, une implosion du champ politique, n'est pas la même.

A l'époque, en dehos d'une extrême-droite et d'un centre marginalisés, toute la Droite était rassemblée derrière De Gaulle, et seule une partie marginale de la Gauche l'avait rejoint. Le PCF était le principal parti d'opposition avec plus de 20% des voix. La "gauche non communiste" (comme on disait à l'époque) était balkanisée, avec une SFIO fantomatique, déconsidérée par son soutien à la sale guerre d'Algérie, et une "nouvelle gauche" divisée entre le PSU et une myriade de "clubs" allant du centre-gauche à l'extrême-gauche.

Le génie (?) de Mitterrand fut de se poser en "rassembleur" de cette gauche en tendant ostensiblement la main à un PCF jusque-là ostracisé pour son stalinisme caricatural et sectaire. Et le mérite de Waldeck Rochet, nouveau dirigeant de ce parti à la mort de l'inamovible Maurice Thorez, fut de saisir cette main tendue. Dès lors, la voie était ouverte pour Mitterrand candidat unique de la Gauche aux premières présidentielles au suffrage universel, voulues par De Gaulle, de 1965. On sait que cela permit à Mitterand d'arriver au 2d tour et donc de se poser en "opposant n°1".

Aujourd'hui, faut-il le rappeler, l'opposante du 2d tour à Macron en 2017 fut Marine Le Pen. Et le 2d tour de 2012 se joua également sans Mélenchon, entre Hollande et Sarkozy. Certes, l'implosion du PS permit à Mélenchon de talonner Le Pen, mais l'opposition de gauche est loin d'être rassemblée. Et la voie suivie par Mélenchon ne risque guère d'y parvenir.

En effet, sa stratégie "populiste de gauche" fait l'impasse sur une réalité apparue depuis 1965 : le devenir adulte de la démocratie et la crise profonde du "présidentialisme".

Ce n'est plus autour d'un "homme providentiel" que les électeurs de gauche veulent se rassembler, mais autour d'un programme et d'une organisation collective qu'ils maîtrisent. Car Mai 68 et la "crise de l'Autorité" sont passés par là, et, malgré les tentations du "retour en arrière", cette mutation anthropologique est irréversible.

C'est pourquoi, mal gré qu'il en ait, Mélenchon ne sera pas élu président en 2022... sauf s'il a l'humilité, que l'on ne voit pas poindre, de mettre en place une vraie négociation entre partis pour des plateformes vraiment communes aux différentes élections, municipales, régionales et législatives.

Car là est le secret d'une démocratie adulte : celui des compromis programmatiques négociés au grand jour ouvrant à des répartitions de postes et désistements réciproques pour gagner des élections à tous les niveaux.

 

Les leçons de l'Histoire

 

Comme l'écrivait Karl Marx en 1852 : "Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d'ajouter : le première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce."

Car le précédent de Mitterrand fut une tragédie qui s'achève à peine : celle de la stérilisation de la Gauche, engluée pendant 52 ans, de 1965 à 2017, dans le présidentialisme. La dérive gestionnaire est moins en cause que la polarisation permanente sur cette élection, avec la course au staut de "présidentiable" qui transforma le PS en écurie au lieu de la ruche laborieuse qu'il aurait dû être. Le recul du débat d'idées et des idées, relégués dans l'arrière-cour des Universités, fut le prix payé pour cette obsession. Et donc le recul de la démocratie et la désaffection pour les partis.

En reprenant la même obsession présidentielle, Mélenchon n'aura même pas la satisfaction d'être élu au 3e coup. Par contre il peut retarder dramatiquement la renaissance d'une véritable alternative démocratique en France et en Europe. Lever cet obstacle est un impératif absolu en dénonçant inlassablement la farce mélenchonienne et en plaidant pour une sortie radicale du présidentialisme.

 

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