Juliette KAHANE Jours d'exil
Juliette KAHANE, Jours d'exil,
L'Olivier, mars 2017, 186 p.
Sous-titré "Une saison au lycée Jean-Quarré", ce récit chronique un moment-clé de notre histoire collective, à partir d'un point de vue générationnel et politique, celui des ex-gauchistes des années 70.
Il est donc centré sur la question des exilés, tous ces migrants arrivés en masse en Europe de façon particulièrement visible à partir de l'été 2015.
A travers un ancien lycée parisien occupé de l'été à l'hiver 2015 , l'auteure déroule une série de croquis qui évoquent à la fois la condition de ces nouveaux arrivés, les gens qui les soutiennent, et les réactions diverses des ex-gauchistes qui composent l'entourage de la narratrice. Elle-même, engagée dans le mouvement de soutien, ne nous cache rien de ses interrogations et de ses perplexités.
Le moment choisi est particulièrement révélateur du véritable tournant dans les mentalités qu'a représentée cette "annus horribilis" de 2015.
Entre les "nous sommes Charlie" de janvier 2015 et l'horrible nuit de la Saint-Sylvestre 2015 à Cologne, chacun a été bousculé, pour peu qu'il ait un minimum de sensibilité, et un tempérament optimiste, par des sentiments contradictoires.
La fermeture dont témoigne un dernier sondage cité par M.Baumard dans "Le Monde" daté 21-2-18, selon lequel "(la) politique en matière d'immigrés était jugée "trop laxiste" par 66% des Français" (sondage diffusé le 18 janvier par BFM-TV) prend sa source dans cette année-là.
C'est sobrement résumé à la fin du récit, par ailleurs excellemment écrit, avec une finesse remarquable, de J.Kahane : "Le 13 novembre 2015, trois commandos de la guerre djihadiste tuèrent cent trente fois et firent plus de quatre cent blessés dans les rues de Paris. On comprit très vite que cette fois, état d'urgence obligeant, il n'y aurait pas de grande marche contre la barbarie comme après les attentats de janvier. Et on sut très vite aussi que cette nuit sanglante modifierait en profondeur le regard porté sur les réfugiés. Ce que la photo d'un petit garçon noyé avait suscité d'élan en leur faveur fut en partie détruit par deux faux passeports syriens appartenant aux terroristes, laissant supposer qu'ils s'étaient faufilés dans le flot de réfugiés pour entrer en Europe." (p 185)
Mais, malgré ce constat d'échec, le livre laisse heureusement la question ouverte, comme elle l'est , encore aujourd'hui , plus que jamais.
Car la nécessité d'une politique d'hospitalité est là. Et elle va rester là pour de nombreuses années.