Pour un bon usage de l'Histoire et du bilan politique

Publié le par Henri LOURDOU

Gauche refondée et impasses identitaires :

pour un bon usage de l'Histoire et du bilan politique.

 

Je suis frappé de voir à quel point les échecs électoraux du printemps 2017 provoquent tant à EELV qu'au PCF ou au PS un même réflexe de "repli identitaire".

On peut bien sûr le comprendre et l'admettre : revenir sur ce que sont notre Histoire et nos fondamentaux est un réflexe sain quand on a reçu une telle baffe démocratique.

Mais il ne faudrait pas que cet examen de conscience tourne au repli sectaire et à la répétition névrotique d'erreurs lointaines... pour éviter celle d'erreurs récentes.

Or c'est bien ce que l'on voit se profiler à EELV avec la fausse opposition rhétorique entre "écologie d'accompagnement" (sous-entendu : toute participation aux insititutions en position non hégémonique, c'est-à -dire tant que les écolos n'ont pas la majorité à eux tout seuls) et "écologie de transformation" (sous-entendu : la participation à tous les mouvements sociaux non institutionnels qui se présentent, investis de l'aura de pureté de la non-compromission avec des majorités composites dans les institutions). Je caricature à peine : c'est bien ce qu'on peut lire dans la motion "Espoir" présentée au congrès régional de décembre 2017 en Ile de France, et signée et soutenue par des esprits aussi déliés et lestés de toute l'Histoire des Verts et même avant que sont Yves Cochet et Alain Lipietz. En la lisant, je croyais relire une motion du courant 5 (alias Gop) du PSU de 1972 ! Hélas ! Hélas ! Hélas ! Faut-il donc à ce point reculer pour avancer ?

 

De la même façon, au PCF, le centenaire de la révolution russe est l'occasion de s'interroger gravement sur l'héritage de Lénine : faut-il ou non revenir à sa conception de classe du parti ? L'abandon en 1994 du centralisme démocratique est-il une bonne chose ? Tous thèmes examinés avec le plus grand sérieux dans la revue théorique "Cause commune". On sent une certaine perplexité face à la recherche de formes de démocratie "non délégatives", sans que soit pour autant validée la démocratie représentative. De fait la critique du présidentialisme et la prise de position en faveur d'une 6e République restent un peu dans le vague : comme si la reconnaissance des formes libérales de la démocratie peinait à s'affirmer clairement. Et que le fait de vouloir aller plus loin dans une démocratie réelle supposait d'abord de remettre en cause radicalement tous nos acquis en la matière. On voit bien là le poids du Surmoi révolutionnaire sur le fait d'achever une mue réformiste déjà bien engagée.

Là aussi, on se demande : faut-il donc à ce point reculer (jusqu'en 1917 cette fois) pour avancer ?

 

Je laisse de côté le cas du PS, que je n'ai pas eu le temps et l'occasion de documenter, mais je suis prêt à parier que les mêmes réflexes nostalgiques s'y manifestent, avec très certainement le remplacement d'octobre 17 par mai 81, et de Lénine par Mitterrand...

 

Non que le retour sur le passé soit en soi condamnable : loin de là ! Et je serai le dernier à le critiquer. Mais celui-ci doit être l'occasion et le moyen d'un bilan circonstancié et rigoureux permettant d'abandonner certaines erreurs funestes pour aller vraiment de l'avant.

 

La participation à la démocratie représentative, à travers des élections libres, et dans le cadre de partis proposant des projets alternatifs clairs, n'est pas une erreur.

C'est au contraire un acquis à partir duquel il faut construire des avancées.

Quelles sont-elles ?

Pour y répondre, il faut commencer par examiner nos erreurs récentes.

Pour EELV, l'erreur fut à l'évidence d'aller au gouvernement dans des conditions non négociées collectivement. La non-reconnaissance par le candidat Hollande de l'accord de législature PS-EELV de novembre 2011 fut le premier signe non suffisamment pris en compte par EELV. Car les "répartitions de circonscription" qui lui était liées, et qui ont permis l'élection en juin 2012 de 17 députés EELV, ne reposaient dès lors sur aucun socle politique solide. L'entrée d'EELV au gouvernement sur ces bases ne pouvait que conduire à de cruelles désillusions, dont Cécile Duflot n'a pris conscience que trop tardivement : d'où son absence d'audibilité. Et l'attrait du pouvoir aidant, certains n'en ont pas pris conscience du tout, d'où la catastrophe morale des trahisons en bonne et due forme des E.Cosse, J.V.Placé, B.Pompili et leurs ami.e.s au printemps 2015.

La matrice de ces erreurs est la pratique présidentialiste des institutions dont EELV a sous-estimé le poids et la perversité.

 

Pour le PCF, bien que de façon différente, l'erreur est au fonds la même : c'est d'avoir sacrifié au présidentialisme en soutenant la candidature unilatéralement autoproclamée de JL Mélenchon aux présidentielles, sur la base d'un programme non négocié.

 

Et j'ajoute, à l'intention du PS, que Mitterrand fut bien autre chose que l'artisan de l'Union de la Gauche : le fossoyeur d'une possible 6e République qui doit redevenir notre perspective commune. Et que la dérive continue du PS depuis 1981 dérive en droite ligne de ce lâche et paresseux abandon au présidentialisme.

 

Et donc, l'avancée démocratique qu'il nous faut à présent construire est bien celle d'une démocratie approfondie et renouvelée par la pratique d'un parlementarisme fort et assumé, où l'intervention citoyenne trouve de nouveaux espaces pour irriguer le travail le travail législatif et le contrôle de l'exécutif, dans le cadre d'un Etat de droit où la séparation des pouvoirs est assurée et les droits humains garantis.

Rien que ça serait déjà révolutionnaire, amis de la rupture et de la transformation : accompagnez-nous donc dans cette aventure réformiste !

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