Deux chantiers prioritaires (4) : Démocratiser l'Europe, pourquoi ?

Publié le par Henri LOURDOU

Deux chantiers prioritaires pour refonder la démocratie :

-la réforme constitutionnelle (6e République)

-la démocratisation de l'Europe

 

Ces deux chantiers sont la condition d'une réhabilitation de la démocratie dans notre pays. C'est pourquoi ils sont prioritaires.

Je me propose d'approfondir ces deux questions dans une série d'articles.

4- Démocratiser l'Europe : pourquoi ?

Ce second chantier est devenu urgent. Avec la montée des populismes, c'est le nationalisme le plus réactionnaire qui s'invite dans le débat : un nationalisme xénophobe qui réactive le racisme d'origine coloniale. Et qui se pare des couleurs de la démocratie au nom du souverainisme.

L'exemple vient de loin et s'étend au monde entier : partout les régressions identitaires débouchent sur des "identités meurtrières", selon le titre du livre d'Amin MAALOUF de 1998 (réédité au Livre de Poche n° 15005).

Mais pour commencer, pourquoi l'UE n'a-t-elle pu servir d'antidote à cette régression ?

1.1- L'analyse d'EELV ("Bien vivre.Programme pour le temps qui viennent". Éd Les Petits Matins, février 2017, p 182-183 ).

"Il ne sert à rien de regarder ailleurs : l'Union européenne est en crise. Responsable de ne pas avoir su répondre aux attentes de ses citoyen-ne-s, elle a déçu et affaibli le désir d'un projet européen construit sur l'union dans la diversité, la convergence des consciences européennes et la paix. Nous assistons aujourd'hui à la résurgence des frontières (suspension de Schengen et construction de murs au sein même de l'Union) et observons des tensions renouvelées. Sous l'effet de la "crise des dettes" européennes et de l'incapacité de construire une réponse commune ambitieuse au défi migratoire et à l'arrivée de réfugié-e-s fuyant des pays en guerre, l'Union se disloque entre nationalismes exacerbés et antieuropéens, de droite comme de gauche, partisans d'un statu quo intenable, et celles et ceux qui, comme nous, espèrent ouvrir une autre voie pour l'Europe.

La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, ainsi que l'arrêt des négociations avec la Turquie après les dérives du président Erdogan, constituent un coup fort porté au projet européen : d'un part car le précédent britannique déterminera l'avenir de l'Union, d'autre part car les nouvelles orientations politiques turques mettent en évidence la perte d'influence et l'affaissement des valeurs de l'Union.

Pour les écologistes, l'Union européenne et plus largement l'Europe, est le bon cadre pour faire face au capitalisme mondial financiarisé, au dumping social et environnemental, au dérèglement climatique, à la perte de biodiversité et à la surconsommation des ressources. En somme, pour promouvoir la démocratie, la paix, le respect des droits humains et la protection de l'environnement.

Changer l'Europe est urgent !"

 

1.2- L'analyse de FI ("L'avenir en commun. Le programme de la France insoumise et de son candidat Jean-Luc MÉLENCHON". Éd du Seuil, décembre 2016, p 79)

"L"Europe de nos rêves est morte. L'Union actuelle est seulement un marché unique et les peuples sont soumis à la dictature des banques et de la finance. Comment stopper ce cauchemar ?

Nous devons sortir des traités européens qui nous font obligation de mener des politiques d'austérité, d'abolir l'action de l'Etat et les investissements publics. Tout cela au prétexte d'une dette dont tout le monde sait qu'elle ne peut être payée dans aucun pays.

Notre indépendance d'action et la souveraineté de nos décisions ne doivent donc plus être abandonnées aux obsessions idéologiques de la Commission européenne ni à la superbe du gouvernement de grande coalition de la droite et du PS en Allemagne."

 

1.3- L'analyse de Stéphanie HENNETTE, Thomas PIKETTY, Guillaume SACRISTE et Antoine VAUCHEZ ("Pour un traité de démocratisation de l'Europe", Le Seuil, mars 2017, p 5 à 9.)

"En dix ans de crise économique et financière, un nouveau centre de pouvoir a pris forme en Europe : le "gouvernement de la zone euro". Le nom dit pourtant mal la chose, tant on a peine à identifier l'"institution" démocratiquement responsable qui conduit aujourd'hui les politiques économiques européennes. La cible est en effet à la fois floue et mouvante. Née sous le signe de l'informalité et de l'opacité, l'institution centrale de ce gouvernement, l'Eurogroupe des ministres des finances de la zone euro, fonctionne hors des traités européens et n'a donc aucun compte à rendre au Parlement européen, ni a fortiori aux parlements nationaux.

(...) En renonçant en 2012 à réformer le TSCG (traité sur la stabilité et la gouvernance adopté cette année-là) qui constitue une des pierres angulaires de ce gouvernement de la zone euro, François Hollande aura contribué à renforcer ce nouveau bloc de pouvoir. Depuis lors, ce pôle exécutif européen n'a cessé de se voir attribuer de nouvelles compétences.(...)

Tout à la fois puissant et insaisissable, le gouvernement de la zone euro s'est développé en fait dans l'angle mort des contrôles politiques, dans une sorte de trou noir démocratique.(...)

Or ce déni démocratique n'est pas qu'une question de principe, ni qu'un enjeu d'équilibre des pouvoirs, loin s'en faut. Il a des effets bien réels sur la teneur même des politiques économiques conduites dans la zone euro. Il mène à une forme de surdité aux lanceurs d'alerte et autres voix dissonantes (...) Il favorise aussi une grande insensibilité aux signaux politiques pourtant lourds qu'envoient désormais les votes nationaux, qui ne cessent de pointer la montée d'un populisme d'extrême-droite (...)

Il y a donc urgence à rehausser la garde démocratique et à replacer la démocratie représentative au coeur des politiques économiques européennes."

 

Conclusion :

 

Ce qui me frappe à nouveau, dans cette triple lecture, c'est le simplisme caricatural du programme "L'avenir en commun". Il s'y ajoute ici un jugement qui invalide d'avance les propositions de "réforme" de l'UE présentées de façon purement rhétorique comme un "plan A", aussitôt complété par un plan B de "suspension" de participation à l'UE...Il s'agit bien de fait de sortir de l'UE, "ce cauchemar".

Pour les deux autres, par contre, l'engagement dans l'UE est considéré comme une nécessité vitale pour la France...ce qui rend sa réforme indispensable pour éviter une dislocation que LFI considère comme déjà acquise...ce qui est loin d'être le cas, heureusement pour les électeurs de LFI d'ailleurs !

 

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