Eau argentée

Publié le par Henri LOURDOU

Eau argentée d'Ossama Mohamed et Wiam Sivam Bedirxam :

un hymne à la liberté, à la beauté et à l'amour en Syrie.

 

Ce film de fin 2014, je l'avais loupé lors d'un premier passage au Parvis en juillet 2015. Il est donc repassé, en projection unique à nouveau, ce 1er mars 2017, en présence du réalisateur Ossama Mohamed.

Malgré l'omniprésence des ruines et des cadavres, c'est un magnifique hymne à la vie. Portées par un optimisme irréductible, un montage, un texte et une musique qui ne cèdent rien aux pulsions négatives des nihilismes jumeaux (celui du régime et celui des jihadistes armés) qui ont entrepris de détruire le pays, ces images nous parlent avant tout de cette Syrie multiculturelle qui s'est réveillée au printemps 2011 d'une nuit trop longue de dictature.

"Houri-a !" (Liberté) est le cri longuement répété par ces manifestants sortis des mosquées tous les vendredis durant 6 mois, à partir du 18 mars 2011. Pourquoi des mosquées le vendredi, amis sourcilleux de la laïcité ? Parce ce que c'était le seul lieu où la population avait encore le droit de se rassembler dans la dictature policière de Bachar.

A ces manifestants pacifiques, comme on le voit dans ces images d'amateurs prises par les téléphones portables et mises sur Youtube, la seule réponse a été les rafales de pistolet-mitrailleur et les arrestations suivies de torture ou d'exécution sommaire. Le film ne nous épargne pas les images filmées par les tortionnaires eux-mêmes, et également mises sur Youtube pour intimider les manifestants. Elles sont fort heureusement très pixellisées. Mais pas assez pour qu'on ne voit pas, que comme tous les tortionnaires du monde (on est ici malheureusement ramenés à la France et à l'affaire Théo), les policiers syriens sont des adeptes de la sodomisation à la matraque.

 

"Bachar ou nous brûlons le pays" : ce mot d'ordre répété par ses milices a été appliqué à la lettre. La jeune cinéaste amateuse de Homs, Wiam Simav ("Eau argentée" en kurde) Bedirxam, qui contacte par téléphone à la Noël 2011 le cinéaste Ossama Mohamed, réfugié à Paris depuis le 9 mai, filme son immeuble en flammes, après qu'elle et sa famille aient dû fuir les bombardements du régime.

 

C'est la deuxième partie du film, réalisée par elle dans Homs dévastée et assiégée, sur les conseils téléphoniques d'Ossama. Elle nous vaut de très belles images d'enfants, dont l'inoubliable Omar (4-5 ans), qui vient de perdre son papa et apporte sur sa tombe, dans le cimetière en ruines, un bouquet de fleurs.

On y voit apparaître l'ombre de la réaction islamiste, lorsque l'oncle d'un des enfants qu'elle a pris l'initiative de réunir pour une école parallèle vient brutalement exiger sa fermeture : Simav est trop "libre", elle ne porte pas le voile...

En mai 2014 (le 9 : jour de la victoire contre le fascisme dans le calendrier soviétique-Ossama a fait ses études en URSS), Homs est évacuée, dans le cadre d'un accord entre la résistance et le régime. Simav vient rejoindre Ossama à Paris. Mais très rapidement elle repart : elle ne peut rester loin de sa Syrie.

Dans le débat qui a suivi le film, Ossama nous a confié qu'elle animait une école dans un camp de réfugiés près de la frontière turque.

Il nous a également parlé de l'importance de la poésie dans la culture syrienne et dans la sienne. Et laissé entendre l'immense déception de tous les amoureux syriens des droits de l'homme par rapport à la passivité de l'Occident. Mais aussi que l'étincelle née au printemps 2011 ne s'éteindra pas.

Nous aussi, continuons à souffler sur les braises...

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