Syrie : communistes encore un effort...

Publié le par Henri LOURDOU

Syrie : communistes, encore un effort...

pour dépasser l'antiaméricanisme pavlovien

...et l'islamophobie ordinaire .

J'avais déjà été alerté cet été par deux conversations avec de vieux amis sympathisants de longue date du Parti et très axés sur l'anti-impérialisme et l'anti-sionisme.

Pour eux, le Hezbollah et la Syrie des Assad sont la principale force anti-impérialiste au Moyen-Orient...Donc les révoltés syriens sont des pions utilisés par l'impérialisme et le sionisme pour affaiblir leurs adversaires.

Cette vision cynique, manichéenne et réductrice a déjà été jugée par l'Histoire : c'est une réplique de la pensée marxiste-léniniste-stalinienne qui a conduit le mouvement ouvrier dans l'impasse et de nombreux militants au déshonneur en justifiant de nombreux massacres et atteintes aux droits humains...pour lesquels en principe ils se battaient !

Moins brutalement directe est la position développée par l'Humanité de ce 5 octobre 2016 à propos des bombardements d'Alep.

Mais sur le fond, c'est la même !

Ceci dit, vu qu'aujourd'hui beaucoup d'information circule et qu'il est devenu impossible de nier certaines réalités, une rhétorique subtile est nécessaire pour suggérer une vision des choses bien arrêtée, sans avoir l'air de céder à une propagande lourdingue qui ne passe plus.

On commence bien sûr par déplorer ces bombardements ("La cité martyrisée n'en finit pas de subir les bombes russes et celles du régime d'Assad", annonce le chapeau de une de l'article.)

Mais son titre introduit une redoutable et implicite prise de position : "Reprise d'Alep : à quel prix ?" C'est postuler que le régime d'Assad a parfaitement le droit de reprendre cette ville par la force. C'est donc lui accorder une légitimité qui n'a rien d'évident, au contraire !

Mais allons à la p 11 : Une photo sur 1/2 page présente un quartier détruit dont "des Syriens" inspectent les ruines dans un quartier qualifié de "rebelle" avec des guillemets. Cet usage des guillemets qui accompagne le mot rebelle tout au long de l'article a pour but et pour effet de remettre en cause implicitement la réalité de la "rébellion". Donc de suggérer la thèse de la manipulation évoquée plus haut. Ces soi-disant "rebelles" ne seraient en fait que les pauvres victimes de l'impérialisme américano-sioniste : ils croient se battre pour leur liberté, mais en réalité ils sont utilisés comme chair à canon pour affaiblir le camp anti-impérialiste et anti-sioniste.

Le titre de l'article qui suit ("Tragique désaccord entre Washington et Moscou") se présente comme neutre (il ne choisit pas un responsable de la situation), mais il est aussitôt démenti (encore une fois implicitement) par le contenu du sous-titre ("Les Etats-Unis ont annoncé la suspension des discussions avec la Russie sur un cessez-le-feu à Alep. Une décision surprenante (sic !) alors que les populations paient le prix fort des affrontements qui se poursuivent (re-sic !)").

Donc, je pense que vous avez compris comme moi que c'est de la faute des Américains si les affrontements se poursuivent.

L'article développe ensuite la thèse (qui est celle de Poutine et d'Assad) selon laquelle les Occidentaux protègent les groupes jihadistes, tout en suggérant que la population civile dans les zones tenues par le régime est tout aussi exposée que celle des zones "rebelles","même si l'intensité est moindre" (re-re-sic ! )

"La question politique de fond" ? "La mise en place d'une véritable solution politique sans conditions préalables susceptibles de tout faire capoter". Traduction en clair : ne pas exiger le départ de Bachar Al Assad, ni son jugement pour crimes de guerre.

Car de crimes de guerre, l'Humanité n'en voit pas : "Un hôpital aurait été totalement détruit", est-il annoncé dans le chapeau d'un article illustratif titré "A Alep aucun signe de réduction de la violence", dans lequel les différents témoignages sont relativisés ou dénigrés (au passage le directeur de l'Observatoire Syrien des Droits de l'Homme, Rami Abdel Rahmane, est présenté comme "réputé proche des Frères musulmans")...

Et c'est le même fil que tisse la conclusion de l'article principal : le but (des Américains) serait "de redonner de l'oxygène à des groupes armés dont la principale caractéristique – au-delà d'être armés par les Occidentaux et les pays du Golfe – est d'être dominés par des islamistes."

Et ici comment ne pas relever le clin d'oeil subliminal à l'islamophobie ordinaire alimentée en France par le racisme anti-arabe et le climat sécuritaire actuel ?

En regard de ces a priori, il nous semble nécessaire de rappeler quelques réalités incontournables, que nous emprunterons à un militant communiste syrien, Yassin Al Haj Saleh ( lire son livre très éclairant "La Question syrienne", Actes sud-Sindbad, 2015):

  1. La guerre actuelle en Syrie a été déclenchée par le gouvernement Assad en réponse à des manifestations pacifiques réclamant la démocratie et la liberté;

  2. La communautarisation du conflit a été préparée par le régime qui a monté systématiquement les minorités religieuses contre la majorité sunnite par une politique clientéliste et prédatrice des ressources du pays;

  3. C'est ce régime qui, en libérant massivement des prisonniers jihadistes, a fourni les cadres des milices islamistes, qui se sont construites en affrontant les troupes de l'opposition démocratique (Armée Syrienne Libre)

  4. 90% des victimes civiles de la guerre sont le fait du régime et de ses alliés qui sont les seuls à disposer d'une force aérienne

  5. L'usage des armes chimiques a été le seul fait du régime

  6. Malgré tout cela il persiste une opposition démocratique dont le seul préalable à des pourparlers pour une transition démocratique est le départ de Bachar Al Assad.

  7. C'est cette opposition démocratique que nous devons soutenir, et non un régime failli dont la grande majorité de la population ne veut plus.

Apparemment, je n'ai pas été le seul à m'émouvoir de ce genre d'analyse "anti-impérialiste", puisqu'un communiqué commun du 4 octobre tente de donner une meilleure image :

Déclaration unitaire « Alep subit un déluge de feu »

Alep subit un déluge de feu

Les avions russes et ceux du régime larguent des bombes anti-bunker dont la puissance permet d’effondrer des immeubles entiers sur leurs habitants et la destruction des abris souterrains. Les bombardements visent des hôpitaux et des écoles, et constituent des crimes de guerre.

La population, prise entre les djihadistes et les armées du régime, est privée d’eau et d’alimentation.

Face aux crimes de guerre et au martyr infligé à la population d’Alep, il faut redire que compte tenu que c’est la population civile qui est la principale victime, cette guerre doit cesser sur le champ pour laisser la place aux négociations et transitions politiques.

L’urgence est de sauver les habitants d’Alep.

Partis de gauche et écologistes, au-delà des analyses différentes qui sont les nôtres quant aux causes d’une telle situation et des réponses à y apporter, nous disons ensemble :

° Halte au massacre ! Halte à la barbarie !

° Arrêt immédiat des bombardements !

° Trêve des combats pour permettre l’acheminement des aides nécessaires à la survie des habitants d’Alep !

EELV

Ensemble !

NPA

PCF

Notons toutefois la petite phrase restrictive : "au-delà des analyses différentes qui sont les nôtres quant aux causes d'une telle situation et des réponses à y apporter".

Ce n'est qu'un début, continuons le débat !

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