François Maspéro et Michel Politzer : Traumatismes fondateurs

Publié le par Henri LOURDOU

Traumatismes fondateurs, amnésie et quête de généalogie

François MASPÉRO "Les abeilles et la guêpe"(Seuil, 2002, 286 p)

Michel POLITZER "Les trois morts de Georges Politzer" (Flammarion, 2013, 368 p )

En lisant à la suite ces deux livres, je comprends un des effets de ces deuils précoces qui en sont le point commun.

Amnésie

Tout commence par une perte de mémoire dont je m'aperçois que j'ai fait moi aussi l'expérience.

Maspéro écrit :

"Tout en moi affirme que je suis né le 24 juillet 1944, à l'âge de douze ans et demi.

En guise de sage-femme, je vois , puisque j'ai ce privilège de me souvenir de ma venue au monde, le visage d'un agent de la Gestapo. Le cri de la naissance, celui qu'en cet instant j'ai refoulé, reste enfermé en moi. Prisonnier, il a vibré et résonné au long des ans. Avant, il y a eu , je crois, je pense, du soleil. Mais c'est comme si, dans cet avant, ce n'était pas vraiment moi."(p 110)

Et Politzer :

"J'ai perdu la mémoire ce jour-là.

De ce drame du mois de mai 42, où mon père fut fusillé au Mont Valérien, je n'ai gardé que cette ombre de l'été qui s'étire au sol.

Rien d'autre.

Chacun des moments de bonheur que j'ai vécu, à coup sûr, depuis ma naissance, toute la mémoire de ces premières années qui ont construit ce petit bonhomme de 9 ans que j'étais ce jour-là, tous les faits advenus dans ma petite enfance sont broyés, balayés, disparus." (p 9-10)

Bien que les circonstances aient été pour ce qui me concerne, moins dramatiques et héroïques, j'ai eu le même sentiment de coupure et d'amnésie, lorsque j'ai perdu brusquement mon père à 7 ans et demi.

Quête de généalogie

De la même façon, je retrouve cette obsession quasi-maniaque des dates et de la recherche du passé exact de nos disparus. Une obsession longtemps refoulée, et qui ressort avec le temps pour se matérialiser en recherche effective.

Maspéro part à la recherche des témoignages sur les derniers moments de son père à Auschwitz. Politzer se lance sur les traces de la jeunesse hongroise de son père.

Et cela nous vaut une véritable généalogie complète, et à dire vrai, passionnante de ces deux personnages et de leur entourage.

Au-delà de l'époque et des enjeux majeurs qui sont ainsi évoqués (la Résistance et la jeunesse du Parti Communiste), ce sont des personnes qui revivent, avec leur caractère, leurs qualités et leurs défauts, leurs réussites et leurs erreurs.

Car le point commun à ces deux livres est l'exigence de sincérité qui s'en dégage, et c'est ce qui me touche au plus haut point.

Et cela me motive à poursuivre à mon tour cette quête pour ce qui me concerne.

Le livre de Maspéro déborde de ce propos, puisqu'il constitue en réalité une autobiographie : je reviendrai donc sur ses autres aspects dans une autre note, car il est remarquable à d'autres égards.

Publié dans Histoire

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