Sortir du trou : est-ce si compliqué ?
SORTIR DU TROU :
Est-ce si compliqué ?
"La politique, à la différence de la morale, ne se juge pas aux intentions de ses acteurs, mais aux résultats. "
(Tzvetan Todorov : entretien à "Libération, 1er janvier 2016-http://www.liberation.fr/debats/2016/01/01/tzvetan-todorov-les-insoumis-refusent-de-ceder-a-l-adversaire-mais-aussi-a-leurs-propres-demons_1423886)
Si j'ai choisi de mettre cette citation en exergue, c'est que le climat actuel tend malheureusement à placer la seule morale en avant.
Cette surenchère de bonnes intentions a pour résultat de rendre impossible toute autre hypothèse qu'une Droite triomphante aux affaires du pays à tous les niveaux pour les années qui viennent.
"Captatio benevolentiae" : Le Répugnant quinquennat de François Hollande
Qu'il soit bien entendu -mais le sera-t-il ?- que j'ai la plus vive répugnance vis-à-vis du quinquennat finissant de François Hollande : de Notre Dame des Landes à Sivens, de l'UE à la loi bancaire, de la politique migratoire et sécuritaire à l'engagement dans la transition écologique, ce président a eu pratiquement tout faux, en usant de manoeuvres peu ragoûtantes et en s'entourant de gens douteux, le tout sur fond d'ambigüités permanentes et de faux-semblants.
Il reste que c'est nous qui l'avons mis là : en le choisissant comme candidat lors de la primaire de 2011, en votant pour lui à la présidentielle.
Et cela est dur à assumer en effet.
Bien sûr on peut alléguer (c'est mon cas) n'avoir pas voté pour lui à la primaire. Mais j'ai quand même voté pour lui au 2d tour de la présidentielle...comme une majorité d'électeurs !
Le "peuple de Gauche" existe, je l'ai rencontré
C'est ici qu'il faut expliquer ce mystère : il existe dans ce pays un "peuple de Gauche", socialement et géographiquement composite, dont la réalité se manifeste régulièrement dans les urnes.
Régulièrement on nous ressert le refrain de la disparition du clivage Droite/Gauche, généralement accompagné du couplet sur la disqualification définitive des Partis politiques.
Et régulièrement on voit ressortir dans les urnes un "peuple de Gauche" insensible à ces exhortations.
Ma conviction, appuyée sur les analyses de l'historien et démographe Hervé Le Bras (1), tient en trois points.
Il y a en France un noyau dur d'électeurs, correspondant environ à 1/3 de l'électorat, qui prend au sérieux le contenu de notre devise républicaine : il est sensible au développement de la liberté et aux atteintes que peuvent subir les libertés; il souhaite la mise en place d'une égalité réelle, et il refuse toutes les discriminations; il est prêt à assumer la solidarité avec les faibles et les opprimés, quelle que soit leur origine, et refuse la violence et la fermeture aux autres.
Ces électeurs souhaitent que ces valeurs soient prises en compte dans la réponse aux différents défis du monde actuel : ils sont prêts à adapter leurs comportements et leurs pratiques à ces nouveaux défis. Aujourd'hui, principalement, les défis écologiques.
Ils souhaitent que pour répondre à ces défis en cohérence avec leurs valeurs, les différents partis de gauche s'unissent sans exclusive. Ils attendent moins un homme providentiel qu'un cap clair et un climat d'union entre tous les partis de leur camp.
Si l'on admet tout cela, le chemin est tout tracé. Il reste seulement à en borner les voies et à emprunter la route.
Le rôle des Partis est de répondre aux aspirations du peuple
Plus que jamais, la réponse aux aspirations du peuple de Gauche est entre les mains des Partis.
Créer les conditions d'une Primaire de Gauche réussie pour 2017 est leur devoir absolu.
Cela suppose des règles négociées et un climat de confiance retrouvé impliquant le maximum de partis de Gauche : a minima aujourd'hui le PS, le PCF et EELV, mais d'autres devraient accepter de s'y joindre.
Une Primaire de Gauche réussie suppose à la fois l'union et le débat
Ensuite, le débat doit avoir lieu et les électeurs doivent pouvoir trancher sur le projet susceptible d'unir le maximum de Partis de Gauche avec la confiance d'un maximum d'électeurs de Gauche.
L'expérience passée du flou et des ambigüités ne peut que pousser à davantage d'exigences de la part des électeurs.
Il s'agit bien de débattre d'un projet pas d'un casting.
Il s'agit bien de créer une dynamique majoritaire et pas seulement de pratiquer le règlement de comptes et la surenchère.
Le temps nécessaire au débat
D'ici fin juin les conditions doivent être définies, pour une Primaire débutant en septembre avec désignation du-de la candidat-e avant fin décembre.
Tout cela est-il vraiment hors de notre portée ?
(1) Hervé Le Bras "Le nouvel ordre électoral", La République des idées-Le Seuil, 2016.