Je ne suis pas des vôtres...dans un monde qui est le nôtre

Publié le par Henri LOURDOU

Emmanuel LEMIEUX : « Edgar Morin l'indiscipliné » (Le Seuil, mai 2009).

 

J'ai véritablement dévoré cette biographie d'un homme que je connaissais pourtant déjà bien. Son empathie avec son sujet a rendu l'auteur d'autant plus passionnant qu'il a accompli un vrai travail documentaire sans effacer la parole du sujet, appliquant ainsi ce qui me rend si proche la philosophie morinienne.

J'ai déjà évoqué Edgar Morin en référence, et en contrepoint, à un militant qui marqua ma jeunesse (Edgar Morin figure le compromis. Mais non le compromis subi comme un moindre mal. Au contraire : le compromis pensé et construit comme la réponse pertinente à la complexité. Car Edgar MORIN a su faire preuve d'intransigeance quand il le fallait : en s'engageant dans la Résistance, en soutenant les révoltés hongrois de 1956, en défendant les messalistes contre le monopolisme terroriste du FLN algérien...

Sa force est d'avoir tracé son chemin sans souci de carrière, ni de conformisme intellectuel. Un chemin qui est celui de ce qu'il a baptisé « la pensée complexe ». Un chemin qui l'a mené naturellement à l'écologie et au mondialisme avant que ces deux termes n'apparaissent au coeur de l'actualité. Un chemin qui ouvre sur ce qu'il a baptisé une « politique de civilisation »; celle-là même dont nous avons de plus en plus urgemment besoin. Que ce soit sur l'éducation, ou sur une nouvelle politique de solidarité, ses vues manifestent une vision qui me semble très pertinente. Elle devrait davantage inspirer les programmes des partis...et d'abord celui des Verts.).

Il me faut revenir sur la façon dont il m'a initialement marqué et dont sa « présence intellectuelle » n'a cessé de m'accompagner depuis. Au point que je n'hésiterais pas à me qualifier aujourd'hui de « morinien ».

C'est lors de ce qui m'apparaît rétrospectivement comme mes années de formation intellectuelle fondatrices, en 1970-71, que j'ai lu successivement, avec un ravissement que je ressens encore, 5 livres de Morin (je ne sais plus dans quel ordre) : « L'homme et la mort », « Introduction à une politique de l'homme », « Le vif du sujet », « Mai 1968 : la brèche », et « Journal de Californie ».

De ces 5 ouvrages, ceux qui m'avaient alors le plus touché étaient les ouvrages autobiographiques, dont surtout le « Journal de Californie » où j'avais découvert ce lien d'affinité particulier de la fraternité secrète des orphelins (j'ai perdu mon père à 7 ans et demi, d'une façon aussi mal assumée que Morin a perdu sa mère à 10 ans).

La chaleur d'écriture de Morin, que certains lui reprochent, m'avait alors « réchauffé le coeur », et, comme dans la chanson ,« dans mon âme elle brûle encore ».

De cette sympathie initiale et spontanée est né un compagnonnage intellectuel qui est resté épisodique mais constant : son « Autocritique » tout d'abord a accompagné ma sortie du maoïsme en 1977, puis son « Pour sortir du Xxe siècle » en 1982 ma refondation politique réformiste.

Après une période de latence, j'ai replongé dans Morin en 1997 avec son « Pour une politique de civilisation ».

En 2002, quand mes camarades du Sgen-CFDT Poitou-Charentes ont voulu me faire un cadeau de départ, après mes 6 ans passés à leur service comme secrétaire régional, je leur ai demandé des livres. Et dans ma liste, il y avait principalement du Morin : « Penser l'Europe », « Terre-Patrie », « Vidal et les siens », « Journal de Californie » (que j'ai donc relu).

Abonné au « Monde » depuis 1989, j'ai toujours été attentif aux tribunes signées Edgar Morin.

C'est donc avant tout ses interventions dans les affaires de la cité qui m'ont toujours intéressé. J'ai vibré à son adhésion à la campagne européenne des Verts en 1999, car je suis un « inconditionnel critique » de Daniel Cohn-Bendit. J'ai partagé son engagement mesuré en faveur du « oui » en 2005...Même si je me suis engagé avec ferveur dans la campagne et participé dans la foulée à la fondation de « Sauvons l'Europe ».

Je constate que par souci d'efficacité sans doute il a choisi aujourd'hui de travailler avec Ségolène Royal, plutôt qu'avec « Europe Ecologie » pour qui je milite. Je le regrette un peu, car Ségolène me semble faire de dangereuses concessions tactiques au populisme anti-écolo (voir sa postion sur la « taxe carbone »).

Il n'en demeure pas moins que la pensée d'Edgar Morin (j'ai omis au passage « La tête bien faite » de 1999, sur la nécessaire réforme de l'enseignement, et « Le monde moderne et la question juive » en 2006, sans oublier « L'an I de l'ère écologique » en 2007) continue et continuera de féconder ma propre réflexion. Pour cela je ne le remercierai jamais assez.

Publié dans politique

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