La Chine de XI Jinping

Publié le par Henri LOURDOU

La Chine de XI Jinping

Philippe DELALANDE

La Chine de XI Jinping

Ambitions et résistances

L'Harmattan, février 2018, 196 p.

 

L'auteur, économiste et politologue est membre du groupe d'étude prospective Asie21-Futuribles. Son propos se veut scientifique et dépassionné. On ne peut que souscrire à cette volonté de suspendre son jugement le temps d'une recherche des faits.

Il fait le tour des défis qui s'offrent à la Chine et de la façon dont son nouveau dirigeant, depuis 2012, y fait face. Son propos porte sur les années 2012-2017, et demande donc à être réactualisé.

Si la prudence dont fait preuve l'auteur dans ses pronostics est cohérente avec son approche dépassionnée, elle pèche cependant par une forme d'empathie excessive avec un dirigeant dont on devine qu'il admire son action.

En effet, on pouvait dire, encore en 2017, que XI Jinping avait réussi à réduire les principales contradictions liées au développement ultrarapide récent de l'économie chinoise.

Corruption galopante, déséquilibres territoriaux et sociaux, pollution en flèche, risques financiers : tout cela a été réduit et en partie traité.

Parallèlement, l'investissement dans des priorités répondant à l'intérêt général a été globalement assuré : recherche, transition énergétique, protection sociale....

Sur la recherche en particulier, la réussite est impressionnante, si l'on en croit les données de L'Institut Mondial de la Propriété Intellectuelle : donnés par Delalande p 62 pour les années 2015 et 2016 .. Ils font état d'une 3e position de la Chine, avec 43 168 demandes de brevets , derrière les Etats-Unis 56 595, et le Japon 45 239.

Une actualisation donne pour les années 2018 et 2019 : une 1e place chinoise avec 58 990 demandes et une progression de 10,8% sur 2018, une 2e place pour les USA avec 57 840 demandes et une progression de 2,8% et une 3e place pour le Japon avec 52 660 demandes et une progression de 5,9%. https://www.wipo.int/export/sites/www/ipstats/en/docs/infographic_pct_2019.pdf

Ainsi la dynamique est nette...alors que l'Allemagne pointe à la 4e place avec 19 353 demandes, et la France à la 6e avec 7 934 demandes en 2019 (loin derrière la Corée du Sud : 19 085 demandes...).

Sur la transition énergétique, l'actualité récente a montré le volontarisme chinois, avec le discours de Xi Jinping du 22 septembre 2020 devant l'Assemblée générale de l'ONU (voir la chronique de Jean-Michel Bezat dans "le Monde" daté 13-10-20 p 32). En affirmant la volonté d'arriver à la neutralité carbone en 2060, Xi met son pays au même niveau que l'UE dans le volontarisme climatique, alors même qu'il est devenu le premier émetteur mondiale de GES... à l'opposé des USA qui quittent officiellement l'Accord de Paris de 2015 (Cop 21) au 3-11-20.

Sur la protection sociale cependant, la Chine est encore loin du modèle européen...malgré sa référence persistante au marxisme-léninisme !

 

C'est que sur les questions sociales et sociétales,le volontarisme vertical du Centre peine à sortir des déclarations d'intention.

Et le modèle politique dictatorial pèse ici de tout son poids négatif.

Malgré la lutte sévère contre la corruption, on apprend que le second de Xi, Wang Qishan, qui a fait tomber depuis 2012 "100 tigres (hauts dirigeants) et 1,5 million de mouches" à ce titre, est à son tour victime de rumeurs de disgrâce ("Le Monde" daté 11 & 12 -10, p 3). Ce qui tend à nouveau à prouver que dans un tel régime la corruption est systémique.

En ce qui concerne par ailleurs la "transition énergétique", il n'est pas non plus anodin de noter qu'elle est prévue de se faire non par la sobriété (qui suppose l'engagement de la société) mais par la mutation planifiée des moyens de production (nucléaire, éolien et solaire) selon les vieilles méthodes autoritaires.

Enfin, le colonialisme Han et le racisme qui l'accompagne jouent à plein régime au Tibet et au Xinjiang. Tandis que les intellectuels libéraux qui ont émergé durant la décennie 80 et leurs rejetons sont mis au pas, à l'instar de la presqu'île de Hong-Kong, alors que la pression militaire sur Taïwan s'accentue et le retard technologique et militaire sur les USA se résorbe rapidement.

Tout cela n'est guère rassurant, et nous conduit vers une nouvelle "guerre froide"... avec de nouveaux vecteurs numériques de type Big Brother...

 

Au final, les contradictions sociales qui minent le régime sont toujours à l'oeuvre, même si la féroce répression et l'anesthésie consumériste les ont provisoirement mises à l'arrière-plan.

Le social-impérialisme chinois est un tigre de papier !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article