Ladj LY Les Misérables

Publié le par Henri LOURDOU

Ladj LY Les Misérables

Ladj LY "Les Misérables"

film de fiction, 2019.

 

 

Ce film unanimement salué laisse sans voix, comme j'ai pu le constater à la sortie de la projection.

Une fois passée la sidération, il faut cependant en tirer des enseignements.

 

Filmé à Montfermeil (93) , ville d'origine de Ladj LY, où se déroule la fin de l'action du roman éponyme de Victor Hugo (écrit en exil à Guernesey et publié en 1862), il a pris l'angle intéressant de se centrer sur le quotidien de la brigade de jour de la BAC (Brigade Anti-Criminalité). Trois jeunes policiers avec un chef, Chris, cheveux ras et carrure d'athlète, qui pense "bien assurer" en pratiquant avec les habitants des cités un mélange de connivence et d'intimidation. Posture qui fait dire à son collègue plus âgé et nouvellement arrivé, qui a tendance à respecter les procédures qu'il " joue au cow boy". Ce à quoi il répond "qu'il ne joue pas". Ce manque de distance à son action lui sera fatal. Le rapport de domination qu'il tente d'instaurer avec le "nouveau", traité comme un naïf, va finalement s'inverser suite à une "bavure" mal gérée, qu'il tente maladroitement d'étouffer.

L'utilisation par la mairie et la police d'un ex-"grand frère" transformé en "régulateur de la paix sociale" au moyen de sa milice privée, moyennant une pratique semi-tolérée du racket, n"empêche pas, et même favorise l'essor de l'Islam salafiste des Frères musulmans, rebaptisés par Chris la "Brigade Anti-Came", eux aussi tolérés pour leur rôle pacificateur.

La jeunesse de ces cités n'en est pas moins à l'abandon et multiplie les "conneries", comme le fait Issa, tout jeune adolescent, régulièrement ramené du Commissariat par un père dépassé et donc ostentatoirement violent.

Car la violence est partout dans ces cités, comme en témoigne la réaction disproportionnée des Gitans du cirque voisin auxquels Issa a volé ...un lionceau.

C'est l'élément perturbateur qui va amener tout le drame auquel on assiste.

Malgré toutes les tentatives, que l'on croit un moment couronnées de succès, pour éviter son déchaînement, la violence finit par l'emporter.

Jusqu'à la scène finale hallucinante et suspendue, comme l'était celle de "La Haine", le film de Mathieu Kassovitz qui avait introduit la problématique des "banlieues" dans le cinéma français en 1995.

Depuis lors, la situation n'a fait qu'empirer. Sur fond de racisme non formulé, les populations pauvres ghettoïsées sur une base ethnique sont progressivement abandonnées au banditisme et à l'intégrisme.

La seule réponse de l'État : la promotion de la xénophobie et de l'idéologie sécuritaire.

Faut-il s'y résigner ?

Non. Un réflexe de solidarité nationale doit permettre de prendre à bras-le-corps le double problème de la pauvreté et de l'accueil des exilés. Puisse ce film contribuer à ouvrir les yeux sur cette double nécessité.

Publié dans Immigration, politique

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