Une réponse Verte à Pascal Canfin

Publié le par Henri LOURDOU

Cohérence écologique et incohérence macronienne

Une réponse "Verte" à Pascal Canfin.

 

Pascal Canfin, ancien eurodéputé Europe Ecologie et ancien ministre EELV du gouvernement Ayrault devenu eurodéputé La République En Marche, appelle "les Verts" à "faire leur révolution culturelle" ("Le Monde" daté 15 juin 19, p 11).

Il reproche aux "écologistes français" de "croire à l'idée révolutionnaire du grand soir" et de refuser toute culture du compromis, nécessaire à une transition écologique réussie.

Visiblement il se trompe de parti en reprochant cela à EELV ! Depuis la fondation des Verts, en 1984, aucune majorité n'a adhéré dans ce parti à "l'idée révolutionnaire du grand soir", et, bien au contraire, tous les débats y ont tourné autour de la nature et des conditions des compromis à conclure pour faire avancer une transition écologique de plus en plus urgente au fil des ans.

Nous avons toujours salué les avancées allant dans ce sens, même lorsque nous n'y étions pas directement associés.

Il est donc tout aussi mal venu de la part de Pascal Canfin de nous reprocher implicitement de revendiquer un "monopole de l'écologie".

Il est enfin particulièrement hypocrite, et surtout maladroit, de faire comme si la conversion récente du gouvernement Philippe à des mesures écologiques enfin sérieuses (abandon du projet Montagne d'Or en Guyane, accélération de la rénovation thermique des bâtiments) n'avait aucun lien avec le score réalisé par la liste Europe Ecologie aux élections européennes du 26 mai.

Prétendre, comme il le fait, que "La vraie nouveauté ce n'est pas le score d'EELV" et que "Ce qui est nouveau, c'est que la jeunesse construit son identité politique sur le climat", sans relever que le 26 mai, ces jeunes-là ont voté EELV et pas LREM, c'est pour le moins cavalier.

Quand il nous dit que "L'écologie s'installe comme un des éléments clés de l'ADN de la majorité présidentielle" et que "Ce n'était pas le cas en 2017, et c'est ce qui a manqué à Nicolas Hulot", cela ne repose que sur le fait que "le Président de la République a parfaitement compris (que la jeunesse construit son identité politique sur le climat)."

Peut-on pour autant en conclure que c'est le cas de sa majorité ? Il ne suffit pas de dire que le refus de choisir "entre écologie et emploi ou entre écologie et pouvoir d'achat (...) est ce qui fédère les macronistes issus de la gauche et ceux qui viennent de la droite". Car on verra à l'usage ce qui restera de cette belle rhétorique lorsqu'il faudra arbitrer entre justice sociale et intérêts des actionnaires, entre redistribution et austérité budgétaire.

Canfin nous fait tout de même un sacré aveu en lâchant qu'il y aurait eu "deux France aux européennes" : "celle qui va de Jean-Luc Mélenchon jusqu'à LRM, pour laquelle l'attente numéro un vis-à-vis de l'Europe, c'est le climat. Et (...) une deuxième France, Les Républicains et le Rassemblement national, pour qui la première attente était l'immigration et la sécurité."

 

Incohérence macronienne

 

Or, que fait le gouvernement Philippe ? Il prétend "en même temps" répondre aux attentes de ces deux France opposées ! En jouant la surenchère sécuritaire et anti-immigrés, il répond aux attentes de la Droite extrême et identitaire. En annonçant enfin des mesures écologiques un peu crédibles, il répond aux attentes de la Gauche écologisée.

Mais quelle est la cohérence des deux versants de cette politique ? Elle n'existe pas. Tout comme son précédent gaulliste le macronisme prétend dépasser le clivage gauche/droite. Son seul moyen de le faire est la survalorisation du rôle du Président de la République, arbitre suprême de toutes ses contradictions, mais pas maître du comportement des électeurs. Or ce qui s'est passé le 26 mai est clair : c'est l'électorat de François Fillon qui a permis à LRM de garder un score honorable, pas celui de Jean-Luc Mélenchon. Par ailleurs, une partie de l'électorat de gauche, qui avait rallié Macron en 2017, est revenue à gauche, en l'occurrence sur le vote EELV.

La politique du gouvernement est donc tributaire de cette base électorale, qui penche aujourd'hui du côté droit.

En réalité, la question qui est posée est celle du ralliement du centre-gauche à une nouvelle majorité dont le point d'équilibre se trouve à EELV et non à LRM.

 

Cohérence écologique

 

Une politique écologique cohérente ne peut s'appuyer sur le logiciel jacobin-autoritaire, sécuritaire-xénophobe et antisocial du macronisme réel. Mais la culture écologique girondine-égalitaire, droitde lhommiste-accueillante et sociale reste en France encore trop peu consciente d'elle-même et pas assez assurée de sa légitimité. Construire une majorité électorale sur ces bases suppose, comme l'a bien identifié Pascal Canfin, de rassembler un arc de forces qui va de l'aile gauche de LRM à l'aile non-sectaire de LFI.

Ce travail, complexe, est devant nous. Nous n'avons pour nous que la cohérence de notre projet et de notre démarche. Mais c'est déjà mieux que l'incohérence macronienne.

 

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