Salut aux révolutionnaires égyptiens

Publié le par Henri LOURDOU

Salut aux révolutionnaires égyptiens

A partir du film Le Caire confidentiel et d'une interview de Alaa El Aswany

Je me demandais comment parler du film "Le Caire confidentiel (The Nile Hilton incident), récemment vu au cinéma, et qui m'a fortement ému. Et puis je découvre ce matin dans "Le Monde" (daté du 28-29 janvier 2018) l'interview de Alaa El Aswany (p 15). La connection est faite.

Parlons d'abord du réalisateur (merci à wkipédia)

Tarik Saleh est né à Stockholm en 1972. Il débute comme artiste de graffiti, acquérant une importante notoriété dans le milieu sous le pseudonyme Circle and Tarik. Sa fresque Fascinate (en), réalisée en 1989, est une des plus vieilles peintures de graffiti existant dans le monde. Ce graffiti a été le premier à être protégé par l'État de Suède et reconnu comme un héritage culturel.

Son travail comme directeur artistique le mène à lancer le magazine documentaire Alive in Cairo, Egypt 1995. Quelques années plus tard, il publie le magazine Atlas. En 2001, lui et son co-directeur Erik Gandini (en) produisent Sacrificio: Who betrayed Che Guevara ?. Ce film documentaire pose des questions sur la mort de Che Guevara et suscite controverses et débats sur le plan international.

En 2005, toujours avec Erik Gandini, il produit Gitmo: The New Rules of War (en), documentaire sur les camps de détention de la baie de Guantanamo. Ce film remporte de nombreuses récompenses aux États-Unis et en Europe.

En 2009, il réalise son premier long métrage de fiction, le film d'animation Metropia, dont les principales voix sont assurées par Vincent Gallo, Juliette Lewis, Alexander Skarsgård, Stellan Skarsgård et Udo Kier. L'avant-première du film a lieu pour l'ouverture de la Semaine de la critique au Festival de Venise. Il est ensuite sélectionné dans plus de 65 festivals de cinéma, dont Tribeca et le festival de cinéma de Londres, et gagne de nombreux prix, notamment aux festivals de Miami et de Seattle.

En 2017, il sort Le Caire confidentiel (The Nile Hilton Incident) :

L’intrigue du film s’inspire d’un fait divers : le meurtre, en 2008, à Dubaï, de la chanteuse libanaise Suzanne Tamim. Une retentissante affaire dans laquelle s’étaient retrouvés impliqués Gamal Moubarak, le fils du raïs, ainsi que plusieurs piliers du gouvernement. Les autorités avaient tout fait pour étouffer l’enquête, offrant le tableau d’un régime vicié et gangrené jusqu’à son sommet.

Toute l’originalité de Tarik Saleh est d’avoir transposé cette intrigue en janvier 2011, au Caire, alors que couve la révolte et que vont bientôt débuter les manifestations qui vont contraindre Hosni Moubarak à démissionner. L’acteur libano-suédois Fares Fares (vu dans de grosses productions américaines comme Zero Dark Thirty ou Rogue One: A Star Wars Story) prête ses traits à l’inspecteur Noureddine, aussi taciturne que corrompu. Il se retrouve à enquêter sur la mort d’une jeune chanteuse, retrouvée assassinée dans un grand hôtel, à quelque pas de la place Tahrir. Très vite, il va découvrir d’inquiétantes ramifications à son affaire et prendre conscience d’un pourrissement général du régime, qui ne demande qu’à tomber.

Triste ironie de l’histoire, Saleh a été contraint de tourner son film à Casablanca après que les forces de sécurité égyptienne lui ont interdit de travailler au Caire”, signe que le nouveau régime a gardé plusieurs travers de l’ancien, commente The Hollywood Reporter. “Mais les décors décrépits et crasseux [que le réalisateur a pu trouver au Maroc] restituent remarquablement la putréfaction prêtée au régime de Moubarak”, commente l’hebdomadaire américain, séduit par le travail du cinéaste : "Le Caire confidentiel’ est le résultat d’une mise en scène pénétrante que seul pouvait proposer un scénariste-réalisateur qui à la fois connaît intimement la culture égyptienne et jouit d’un regard extérieur sur ce qui s’est passé dans le pays.”

https://www.courrierinternational.com/article/en-salle-le-caire-confidentiel-regarde-les-hommes-de-moubarak-tomber

C'est que ce régime "qui ne demande qu'à tomber", n'est pas encore tombé. Car, comme le titre l'interview d'El Aswany : "Le même régime militaire est au pouvoir depuis 1952."

Et pourtant ce même El Aswany, dont le dernier roman, "La République comme si", paru à Beyrouth en 2017, a été interdit en Egypte, et va paraître en français chez Actes Sud, est optimiste.

Elargissant son propos à toutes les révolutions apparemment avortées du "printemps arabe", il déclare : "Ces régimes (= les dictatures arabes) ont été dépassés. Ils vont tomber, peut-être pas demain, mais c'est fini pour eux."

Et il justifie ainsi son jugement : "La révolution est une ligne, pas un point. Ce n'est pas un coup d'Etat, c'est un changement de vision du monde. Même les gens qui sont aujourd'hui contre la révolution ne sont plus les mêmes grâce à elle."

Et plus loin : "Oui, les jeunes ont aujourd'hui une vision plus libérale. Ils veulent comprendre, discuter. (...) Ça me plaît qu'ils appliquent les les idées de la révolution à leur propre vie. Plus largement, parmi les jeunes, il y a une ouverture, des débats naissent sur tous les sujets, que ce soit le voile, la sexualité, l'homosexualité. Ce n'était pas le cas avant. Les jeunes ont conscience que c'est à eux de changer le pays, qu'il ne faut pas attendre que d'autres le fassent."

Et à propos de l'islamisme : "Dans la presse occidentale, il y a une confusion (...) La relation entre les Frères musulmans et l'armée est bien plus complexe qu'on ne le croit.(...) Les militaires les utilisent contre les forces démocratiques, puis les emprisonnent et se réconcilient. Le cycle se répète. Ces deux forces sont les deux faces du même fascisme."

Quant au rôle de la France : "Les Français nous ont soutenu pendant la révolution. Et il y a le gouvernement qui, lui, défend les intérêts du pays. Je n'attends pas grand chose d'un pays qui ne défend que ses intérêts. C'est triste que les hommes politiques ne voient pas que la puissance de la France, c'est sa culture et d'être un grand pays pour les droits de l'homme. En même temps, je n'ai pas à demander aux autres de faire ce qui est de mon devoir. Si on a des problèmes en Egypte, c'est aux Egyptiens de trouver des solutions."


 

Alors, à nous de faire aussi notre devoir, en rappelant à nos "hommes politiques" que la France est "un grand pays pour les droits de l'homme".

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