Pour un bilan sincère du quinquennat Hollande (1)

Publié le par Henri LOURDOU

Pour un bilan sincère du quinquennat Hollande :

Une réforme fiscale passée inaperçue ?

 

Dans ce climat délétère de fin de règne, il importe de garder ouverts nos esprits.

 

J'ai considéré depuis longtemps que le premier reniement de F.Hollande concernait la "grande réforme fiscale" qui fut son leitmotiv de campagne lors des primaires de 2011. Dès l'automne 2012, il n'en a plus été question, jusqu'à ce que JM Ayrault le ressorte des placards au printemps 2014, juste avant d'être débarqué et remplacé par M Valls, qui n'en a plus parlé.

 

Or, je découvre, avec une entrevue de l'économiste Alain TRANNOY au supplément "Idées" du "Monde" (samedi 5-11-16, p 2 : "Une si furtive fiscalité") que cet abandon n'est pas si évident. Au contraire, le tableau qui se dessine est celui d'une entreprise persévérante, menée à bas bruit et très progressivement, dont le résultat effectif n'est pas ce "choc fiscal" sur les "classes moyennes" dont on nous rebat les oreilles, mais bien une amorce de restauration du rôle redistributeur de l'impôt, conforme aux valeurs de gauche.

Tout cela est très technique, mais mérite d'être considéré.

 

L'élément le plus apparent est la mise en place du prélèvement de l'impôt à la source pour janvier 2018 par la loi de finances 2017.

Mais derrière cette mesure apparemment "neutre", Alain TRANNOY décèle et nous livre "une stratégie de réforme graduelle et parcellaire (...) en direction d'un impôt moderne et progressif, même si le gouvernement ne cherche pas à le mettre en avant dans son bilan".

La raison de cette discrétion serait politique (et c'est ici que notre divergence se manifeste) : "Toute réforme fiscale fait des gagnants et des perdants : les gagnants oublient rapidement les bénéfices, alors que les perdants n'oublient pas ce qu'ils ont perdu." Cette vision fort pessimiste des choses justifierait donc une grande discrétion sur l'action menée.

On nous permettra de penser qu'au contraire, mobiliser les classes populaires sur les valeurs de toujours de la gauche reste bien pour nous l'axe de l'action politique à mener.

Or l'action menée par la majorité sortante va bien dans ce sens, et à l'opposé de ce que nous proposent tous les candidats de la Droite et du Centre, (sans parler de la démagogie des extrêmes qui aboutit seulement à nous amener à la guerre civile).

 

Alain TRANNOY résume les avancées ainsi :

 

-Mise en place d'une taxe carbone progressive, indispensable à la mise en oeuvre d'une véritable transition énergétique. La seule discussion est celle du rythme à imprimer à sa progression, non son existence ni son principe.

 

-Alignement du taux d'imposition du capital sur celui du travail et "durcissement progressif du plafonnement des niches, ce qui constitue un pas important".

 

-"Fusion, au sein de la prime d'activité, de la prime pour l'emploi (PPE) et du revenu de solidarité active (RSA) activité." Il s'agit-là d'un "progrès majeur pour les plus modestes", car "seul un tiers des personnes ayant théoriquement droit au RSA le demandaient" et "la PPE était versée avec un an de décalage". Résultat : "le taux de recours a fortement augmenté, et la (nouvelle) Prime d'activité est versée mensuellement avec révision trimestrielle par la Caf."

 

-Abaissement du "plafonnement du quotient familial" et modulation des allocations familiales "en fonction du revenu" ont supprimé des avantages injustes accordés aux familles les plus riches ayant de nombreux enfants.

 

Au-delà de ces 4 avancées, la mise en place du prélèvement à la source s'annonce comme "tortueuse, du fait de sa complexité et de son calendrier".

Mais elle annonce cependant trois perspectives prometteuses :

 

-Celle d'une individualisation de l'impôt, favorisant l'élément du couple ayant les plus bas revenus, et donc son autonomie économique.

 

-Celle d'une fusion, devenue techniquement facile de la CSG (impôt non progressif, donc favorisant les riches) et de l'IRPP (impôt sur le revenu, progressif donc plus juste) au profit d'un impôt progressif unique.

 

-Celle d'une disparition des "niches fiscales" et des "abattements", instruments d'échappement des riches à la progressivité de l'impôt.

 

Car au final, le bilan en matière de justice fiscale reste encore mitigé.

Si la situation des plus pauvres s'est indéniablement amélioré, l'alourdissement de la charge fiscale pour ralentir la spirale de l'endettement public (15 Mds d'€ sur le quinquennat selon A.TRANNOY) a porté "sur le haut de la fourchette des revenus moyens plutôt que sur les seuls hauts revenus". Car "la progressivité du taux moyen d'impôt n'est en effet toujours pas assurée au-delà de 100 000 € de revenu imposable", et ceci même avec l'introduction du taux de 45% sur la tranche supérieure du revenu : niches et abattements le neutralisent et au-delà.

 

Donc, et pour conclure, j'inverse mon jugement en appel sur la politique fiscale du quinquennat.

Peut mieux faire, mais va dans le bon sens.

Publié dans unir les gauches, politique

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